Danger ! Le dollar bientôt à 900 FC
Le « syndrome budgétaire » de fin d’année se fait déjà sentir. Souvent, il hante l’économie congolaise par des déficits impressionnants. En prenant en compte celui, chronique, du compte d’exploitation de la Banque centrale du Congo - soit 25 milliards de FC à fin juin - le déficit cumulé du secteur public se chiffrerait à plus de 60 milliards. De quoi soulever des tensions sur le marché de change. Au parallèle, le dollar américain se négociait, hier, contre 860 FC. La voie lui est ainsi ouverte pour franchir la barre psychologique de 900 FC.
Danger à l’horizon.
Un sachet de sucre de 5 kg s’est vendu hier vendredi au marché de Matete à 4400 FC au lieu de 4000 la veille. Une augmentation de 10% dans un pays où les salaires de la Fonction publique sont méticuleusement gelés ! L’économie congolaise va si mal que la fin de l’année s’annonce tragique.
En effet, la situation économique et financière reste marquée par la poursuite des tensions apparues depuis le mois de juillet tant sur le marché de change que celui des biens et services. La Banque centrale du Congo (BCC) ne s’en cache pas.
C’est le cas lorsqu’elle rappelle dans ses « Notes de conjoncture » que « ces tensions résultent de l’aggravation du déficit public depuis le mois de juin ». Le détonateur, indique la Banque centrale, est le fait que « ce déficit a été entièrement monétisé, impliquant l’expansion de la liquidité et de nouvelles pressions sur le taux de change et les prix intérieurs ».
La Banque centrale, autorité monétaire par excellence, est formelle. Les tensions sur le marché de change ont pour cause l’impressionnant déficit du secteur public, comprenant à la fois le déficit du compte d’exploitation de la BCC elle-même et celui du compte du Trésor, logé à la même Banque mais actionné par le gouvernement.
Les chiffres disponibles à la BCC illustrent un véritable laxisme dans la gestion des finances publiques. Pour preuve, les parlementaires et les médecins, les enseignants et les autres agents émargeant au budget de l’Etat sont sevrés de leurs salaires depuis quelques mois. Contrairement à la situation décrite par la BCC, le compte général du Trésor s’est retrouvé aux dix premiers jours du mois d’août 2009 avec un solde négatif de 41,3 milliards de FC.
Toutes choses restant égales par ailleurs, l’on suppose que ce déficit est allé crescendo au-delà du 10 août 2009. Qui donc a bénéficié de cette masse de Francs congolais, soit plus de 40 milliards, ponctionnés par des avances de la Banque centrale ? Dans les milieux bien informés, les présomptions pèsent sur un groupe d’initiés qui se recrutent autant à la Banque centrale du Congo qu’au gouvernement.
N’empêche que des sources concordantes rapportent qu’une réunion a été convoquée d’urgence, hier vendredi à la Banque, pour élucider la vive tension qui persiste sur le marché de change. La BCC, indique-t-on, tenterait de se racheter. Mais, c’est sans compter avec les réactions toujours imprévisibles du gouvernement. Car, c’est celui-ci qui manipule l’arme budgétaire, source des déséquilibres récurrents sur le marché de change.
Pas étonnant que les opérations de vente des devises aux banques commerciales par voie d’adjudication ne se soient soldées que par des résultats mitigés. Au 10 septembre 2009, date de la 12ème opération, la BCC dit avoir déjà injecté, depuis la première opération en janvier, 97 millions USD, sans redresser le marché de change. Au contraire, la situation se dégrade du jour au jour.
Vendredi, le dollar américain s’est négocié sur le marché libre à 860 FC. Au regard de la morosité du secteur autrefois productif, rien ne présage un retournement de la situation en faveur de la devise congolaise. Le pire est à venir. Preuve : de 560 FC – le taux budgétaire en 2008/2009 - le dollar franchira la barre psychologique de 900 FC.
Dans l’entre-temps, l’indifférence est totale. Le gouvernement attend qu’une « main invisible » ramène l’équilibre sur le marché de change. Erreur ! Les prochains jours promettent d’être mouvementés. On craint des tensions sociales.
Consciente du risque, la Banque centrale du Congo s’en inquiète. Mais, limitée dans ses moyens d’intervention, elle ne peut rien. Seuls le gouvernement et ceux qui détiennent les manettes de commandes des opérations financières de l’Etat ont la possibilité de faire quelque chose pour éviter une catastrophe annoncée.
En dernière minute, Le Potentiel a appris que la réunion prévue le 15 septembre à Paris avec les créanciers traditionnels de la RDC membres du « Club de Paris » aurait achoppé sur la situation économique et financière de la RDC fort dramatique à fin août 2009. Le FMI, confirment certaines sources, aurait annulé ladite rencontre en attendant que le Kinshasa retrouve la sagesse dans la conduite des opérations financières de l’Etat.
La goutte qui a fait déborder le vase serait l’impressionnant déficit cumulé du secteur public (BCC et Trésor). Une fois de plus, constate-t-on, Kinshasa n’a pas été en mesure de respecter les engagements souscrits devant les experts du Fonds monétaire international, en séjour à Kinshasa du 10 au 18 août dernier.
Dans leur déclaration de fin de mission, les experts du FMI notaient que « pour le reste de 2009, la mission s’est entendue avec les autorités sur un ensemble de politiques et de cibles conformes à leurs objectifs économiques ». Cette conclusion résultait de leur constat : « Les recettes publiques durant les sept premiers mois de l’année ont été inférieures aux prévisions et les engagements de dépenses en cours sont plus élevés par rapport aux ressources disponibles. La situation est exacerbée par le niveau plus faible que prévu du produit des privatisations et par les retards dans l’appui budgétaire des donateurs ».
Comme recommandation, les experts ont invité les autorités congolaises à prendre « des mesures pour maintenir les dépenses aux niveaux prévus du programme, y compris en annulant les engagements existants dans la mesure du possible et en plafonnant les nouveaux ».
De façon tout à fait implicite, le FMI a désigné le coupable, l’exhortant à s’impliquer dans la recherche des équilibres macro-économiques. Le FMI est d’ailleurs convaincu que « pour pouvoir mettre en œuvre ces mesures, il faudra un solide soutien politique».
Désormais, pas d’illusion.
La sortie de crise dépendra du comportement qu’adoptera le gouvernement. Atteindre le point d’achèvement de l’initiative PPTE à l’échéance de mai 2010 est à la portée de la RDC. Un seul préalable : de la discipline budgétaire et de l’orthodoxie dans la gestion des opérations financières de l’Etat. Le gouvernement devant s’efforcer de dépenser sur base caisse et de s’interdire le recours aux avances de la Banque centrale. Le Potentiel