La dépréciation de la devise américaine risque de ne pas faire le bonheur de tous. C’est le cas notamment des opérateurs économiques. Des analystes estiment que l’«embellie» ne sera que de courte durée pour la monnaie nationale. Au motif qu’il s’agit d’un phénomène qui découle de la «pure spéculation».

A la fin du mois d’avril, le dollar s’échangeait contre 830 francs congolais. Dimanche 3 mai, le billet vert se négocie contre 700 francs congolais, soit une dépréciation de 16% en quelques jours. D’aucuns s’attendent même à ce que le dollar américain continue sa chute jusqu’à 560 francs congolais dans les prochains jours. C’est juste un effet de spéculation et d’anticipation. Cette brusque variation du taux de change ne fait pas que des heureux. Il y a aussi ceux qui ont perdu de l’argent puisque ayant conservé leurs encaisses en dollars américains pour se prémunir contre la dépréciation du franc congolais.

Par ailleurs, les prix des biens sur le marché qui ont tendance à augmenter avec l’appréciation du dollar américain sont restés inchangés. C’est un signe que les opérateurs économiques sont dans l’attentisme. Ils se demandent si le mouvement va continuer ou si ce n’est qu’un feu de paille. Beaucoup d’analystes restent convaincus que ce phénomène sera de courte durée et relève de la pure spéculation.

Selon des informations recueillies dans les milieux de la Banque centrale du Congo, l’appréciation du franc congolais est l’effet différé des 10 millions de dollars vendus par adjudication le 16 avril aux banques commerciales par l’Institut d’émission. Une autre vente de 15 millions de dollars a été organisée le 27 avril. Cette opération vise à éponger les liquidités supplémentaires qui sont en circulation sur le marché.

La Note de Conjoncture du mois de mars 2009 de la Banque centrale du Congo indique que «L’exécution des opérations financières de l’Etat s’est certes soldée par un léger excédent aux trois premiers mois de cette année. Il est à relever, cependant, que le mois de mars, caractérisé depuis 2003 par la réalisation d’un surplus budgétaire substantiel, a été bouclé par l’excédent le plus faible de la période. L’excédent dégagé aux trois premiers mois est si faible qu’il ne peut amortir les chocs résultant de l’expansion monétaire née de l’important déficit public de novembre et décembre 2008.»

Ces liquidés supplémentaires en libre circulation sur le marché, continuaient à faire pression sur le taux de change dans un contexte caractérisé par la diminution des recettes en devises. Cette dépréciation monétaire a alimenté l’inflation. Au premier trimestre 2009, l’inflation s’est accélérée par rapport à l’année précédente, soit 21,4 % contre 4 %. En terme annuel, l’inflation se situe à 121 % à fin mars 2009 contre 15 % une année auparavant. C’est ainsi que la Banque centrale s’est résolue à intervenir sur le marché de change afin d’arrêter la spirale.

La vente de devises a été confortée par le gel des dépenses de l’Etat. Le ministre des Finances, Athanase Matenda Kyelu, se trouvant à Washington DC pour les Réunions de Printemps du FMI et de la Banque mondiale et pour les négociations en vue de la conclusion d’un programme économique avec les institutions de Bretton Woods avait interdit toute dépense du Trésor durant son absence. C’est ainsi par exemple que tous ceux qui émargent au budget de l’Etat ont vu leurs salaires bloqués !

Face aux ventes de devises par la Banque centrale du Congo et l’absence des décaissements par le Trésor, il en a découlé un assèchement de francs congolais sur le marché d’autant que traditionnellement en fin de mois, les entreprises sont à la recherche de la monnaie locale pour faire face aux dépenses des salaires des employés. Dans les jours qui suivent, l’Etat devra faire face aux dépenses de salaires des fonctionnaires ainsi qu’à d’autres dépenses contraignantes. C’est en ce moment qu’il sera possible de constater si la baisse du dollar sur le marché de change va persister ou non.

J.P.Tsheba