Deux ans après l’enrôlement, le fichier électoral de la CEI installe le doute
Après son premier ballon d’essai avec l’organisation du référendum constitutionnel, des élections législatives, présidentielle, sénatoriales et des gouverneurs, la lourde machine de la Commission électorale indépendante (CEI) souffre toujours de ses maladies de jeunesse. Bien que jugé capital pour la transparence des scrutins futurs, le recensement de la population congolaise reste un sujet tabou.
Par conséquent, la mise à jour du fichier électoral n’est pas à l’ordre du jour. Or, tout le monde sait combien la taille imprécise du corps électoral congolais avait soulevé la tempête dans les états-majors politiques, où l’on redoutait le tripatouillage du vote par l’abbé Malumalu et ses collaborateurs.
Personne n’est prêt d’oublier la forte tension ayant régné au pays à
chaque tour de scrutin, en raison du manque de confiance dans le
travail de la Commission Electorale Indépendante.
Préférant
peut-être gérer les dysfonctionnements enregistrés lors des premiers
scrutins législatifs et présidentiels, l’arritude de la CEI apparaît
comme une volonté d’entretenir une confusion délibérée.
Pourtant,
les élections locales représentent un challenge décisif dans le choix
des animateurs de la petite territoriale. Toute tricherie avérée aurait
comme conséquence directe de provoquer une fracture irréductible entre
les élus des conseils urbains, des conseils municipaux, des conseils
des secteurs et des chefferies. Dès lors, l’objectif visant le
rapprochement, voire la complicité entre les gouvernants et les
gouvernés au pied de la pyramide politico-administrative congolaise ne
serait plus qu’une lointaine illusion.
Est-ce là la mission assignée à la Commission Electorale Indépendante ? La réponse est naturellement négative. Aussi, pour que la CEI rassure les futurs électeurs et prétendants aux mandats politiques au niveau de la petite territoriale, elle devrait dès à présent donner des signaux clairs du changement qualitatif des travaux préparatoires des scrutins locaux.
Un fichier électoral figé : pourquoi ?
Deux ans après l’enrôlement des Congolais, estimés à environ 25
millions d’électeurs pour une population de 60 millions d’âmes, il est
anormal que le fichier électoral ne soit pas toujours adapté aux
paramètres démographiques actuels. Pourtant, il n’est un secret pour
personne qu’entre 2005 et 2008, des millions de compatriotes, électeurs
d’hier, ont quitté la terre de nos ancêtres. Ceux-là au moins n’ont
plus rien à réclamer après leur départ du monde des vivants. La
question qui devrait interpeller la Commission Electorale Indépendante,
c’est celle des millions de jeunes Congolais, mineurs d’âge il y a
encore trois ans, aujourd’hui en âge de voter mais incapables de
remplir leur devoir civique parce qu’absents du fichier électoral.
Ce
serait criminel, pense-t-on, que des générations entières des Congolais
ne puissent se prononcer sur le projet de société et la qualité des
candidats qui sollicitent leurs suffrages en vue de la gestion des
entités de base. Mine de rien, ce sont les jeunes qui connaissent le
mieux les points forts et faibles des adultes qui résident dans leurs
milieux et qui voudraient, par la voie des urnes, prendre le contrôle
des entités de base, c’est-à-dire des structures les plus déterminantes
pour la construction de leur avenir à eux.
Administrativement, la République Démocratique du Congo se permet le luxe d’héberger des millions de jeunes Congolais sans cartes d’identité. Ces Congolais de naissance ne disposent d’aucune preuve de la nationalité congolaise au cas où celle-ci leur serait contestée, surtout si, par malheur, ils sont nés des parents non encore enrôlés et donc, identifiés par la Commission Electorale Indépendante. Etant que la CEI a décidé péremptoirement que la carte d’électeur serve automatiquement de carte d’identité pour Congolais, on devrait en déduire que depuis 2005, le pays ignore les citoyens qui n’avaient pas encore atteint leur majorité électorale.
Qu’on leur prive les formalités d’enrôlement, c’est donc consacrer l’exclusion des pans entiers de la population à un processus électoral que l’on prétend démocratique, libre et transparent ! C’est les exposer aux tracasseries policières de tous genres, et c’est amener des remous jusque dans les villages.
Il est vrai qu’à l’époque, dans certains cercles politiques et diplomatiques, on avait fermé les yeux sur les imperfections de premiers scrutins législatifs et présidentiels au point de cautionner des fraudes à la base de près de 6.000 dossiers de contentieux électoraux.
La CEI qui devait faire l’autocritique du bilan des premières élections législatives nationales et provinciales, et présidentielle, afin d’améliorer ses méthodes de travail, revisiter son fichier électoral à jour et mettre en place un dispositif électoral débarrassé des insuffisances relevées ça et là, ne se préoccupe que de la facture des prochaines élections locales.
La Cei doit donc travailler dans l’optique d’éviter encore des frustrations et des remous jusque dans les localités aujourd’hui confrontées aux difficultés de tous ordres, dont les routes et l’approvisionnement en eau potable et en énergie électrique. Le Phare