Le chef rebelle tutsi rwandais Laurent Nkunda a annoncé vendredi que son mouvement suspendait sa participation aux réunions de suivi du cessez-le-feu dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC), après que l'ONU eut fait part de son implication dans des massacres.

Le Congrès national pour la défense du peuple (CNDP) "retire, dès ce jour, sa délégation de toutes les réunions relatives à l'Acte d'engagement", signé le 23 janvier par tous les groupes armés du Kivu en faveur de la paix, écrit son chef, l'ex-général Laurent Nkunda.

Il exige, dans une lettre de "protestation contre le porte-parole de la Monuc" (Mission de l'ONU en RDC) reçue à l'AFP, la mise en place d'une "mission d'enquête indépendante", dénonçant des "élucubrations" et une "évidente intention de nuire" des Nations unies.

Mercredi, la Monuc avait dénoncé de graves violations des droits de l'Homme par le CNDP et aussi des soldats de l'armée régulière, au cours d'un point presse à Kinshasa.

"Des éléments de preuve indiquent (...) que des éléments du CNDP auraient tué au moins trente civils à Kalonge (Nord-Kivu) et dans les villages alentours entre le 16 et le 20 janvier 2008", avait déclaré Kemal Saïki, porte-parole de la Monuc.

"Les éléments du CNDP auraient commis ces actes, apparemment prémédités, à titre de représailles contre la population civile", à laquelle ils reprochaient de s'être "réfugiée dans une zone contrôlée par le Pareco (Patriotes résistants congolais)", un groupe d'auto-défense local Maï Maï très hostile au CNDP, avait poursuivi M. Saïki.

Le CNDP "exige que, toutes affaires cessantes, une vérification mixte Gouvernement/Facilitation internationale/CNDP soit menée pour faire toute la lumière et établir la vérité sur les faits allégués".

Le mouvement de Nkunda, qui ne se retire toutefois pas de l'Acte d'engagement, "décide la suspension de toute collaboration avec la Monuc" tout en affirmant rester à la disposition des autres membres de la Facilitation internationale", qui compte notamment des représentants des Etats-Unis et de l'Union européenne.

Vendredi soir, la Monuc a rappelé, dans un communiqué, que "les investigations sur ces massacres ont été conduites avec professionnalisme" et que "les premiers éléments de preuve recoupent des informations crédibles recueillies auprès de nombreux témoins oculaires et d'autres sources".

La Monuc, qui se dit persuadée que "n'importe quelle autre enquête impartiale et indépendante confirmera ses conclusions", "encourage le CNDP à travailler activement avec les signataires des Actes d'engagement et la facilitation internationale pour permettre leur rapide mise en oeuvre au profit des populations des Kivu".

Ce retrait du CNDP de réunions quotidiennes visant à mettre en place des commissions de suivi de l'Acte d'engagement est le dernier incident après une série de blocages ou de violations du cessez-le-feu par les groupes armés.

La Monuc a déploré des dizaines d'incidents, impliquant CNDP et Pareco dans des heurts souvent liés à des vols de bétails, mais aussi dans des crimes contre des populations, comme à Tongo le 15 février.

Dans ce village du Nord-Kivu, le CNDP a abattu deux villageois avant de tirer en direction de Casques bleus, qui ont riposté. En dépit du témoignage d'habitants, d'ONG internationales et des Casques bleus, le CNDP a nié avoir ouvert le feu sur des soldats de la paix.

Pour un diplomate en poste à Kinshasa, "il faudrait une réaction claire de la communauté internationale, rappelant au CNDP que le fait d'être engagé dans des discussions pour la paix ne va pas effacer les massacres de civils".