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LOSAKO
7 janvier 2008

Après la guerre des 22 et 23 mars, il y aura-t-il une conférence sur la paix à Kinshasa ?

96625Relecture du rapport d'une équipe multidisciplinaire de la Monuc Depuis le mois de mars 2007, nous attendons avec impatience les résultats des enquêtes promises par le gouvernement du Congo sur la guerre de Kinshasa. Habitués aux promesses démagogiques de nos gouvernants actuels, nous risquons d'attendre pendant très longtemps. Souvenons-nous que la question de la double nationalité des députés de l'actuelle Assemblée Nationale n'a jamais été traitée jusqu'à ce jour. La guerre des Kivus est venue voler la vedette à plusieurs questions d'intérêt national dont le traitement dans l'urgence nous aurait permis de voir assez clair dans la gestion de la chose commune chez nous. En attendant que ces questions reviennent sur le devant de la scène nationale, nous relisons le rapport établi par une équipe multidisciplinaire chargée d'une enquête sur la guerre des 22 et 23 mars 2007. De toutes les façons, que ça soit à Kinshasa ou au Kivu, plus d'une année après la mascarade électorale de 2006, le Congo dit démocratique fait la piteuse expérience d'un Etat manqué. De prime abord, soulignons que pour ceux et celles qui connaissent la définition des "Etats manqués", la guerre de Kinshasa comme celle du Kivu guerre en sont une illustration. Rappelons que les "Etats manqués" ont ceci comme traits essentiels : "Ils ne peuvent pas ou ne veulent pas protéger leurs concitoyens de la violence, voire de la mort. Ils ont tendance à se croire au-dessus des lois, nationales ou internationales, donc libres de se livrer à des agressions et à des méfaits. Et quand ils ont les dehors d'une démocratie, ils souffrent d'un grave "déficit démocratique" qui prive leurs institutions formelles de contenu réel." (N. CHOMSKY, Les Etats manqués. Abus de puissance et déficit démocratique, Paris, Fayard, 2007, p.8) Le constat de l'équipe de la Monuc abonde dans le sens de cette définition. En effet, "L'équipe a établi que de graves violations des droits de l'homme furent commises durant et après les violences. L'équipe a documenté des incidents impliquant l'usage disproportionné, extrême ou sans discrimination de la force survenu tout au long des Forces Armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) et la Garde (dite) Républicaine (GR). Des armes lourdes furent utilisées par les deux camps, tant dans la ville que dans les quartiers résidentiels à forte densité de population (…)".

Un usage abusif de la force sans objectif militaire

Cet usage irréfléchi de la force a atteint son comble quand les enquêteurs remarqueront que dans les quartiers visés, "aucun objectif militaire n'était à même de justifier les moyens ou le degré de la force utilisés ". Aucune précaution n'a été prise pour protéger la vie des populations. L'instrumentation des FARDC, de la GR, de la Police d'Intervention Rapide, des Services de Renseignement de la Police et des autres services de sécurité par les gouvernants en place ligués contre Jean-Pierre Bemba et sa garde (DPP) a été mise à profit dans les exécutions sommaires, dans les arrestations arbitraires et dans les exécutions extra-judiciaires. L'équipe témoigne qu'"au moins 40 civiles et soldats du DPP en reddition, auraient ainsi été victimes d'exécutions sommaires, principalement perpétrés par la GP (GR), durant ou à la suite de ces opérations. Des informations indiquent l'existence des fosses communes et la présence de corps de victimes non-identifiées (civiles et militaires) repêchés dans le Fleuve Congo (certaines étant ligotées et les yeux bandés) confirment le fait que le nombre d'exécutions sommaires commises a été sensiblement plus élevé durant et après les événements." Cette équipe indique que "plus de 200 personnes ont été arrêtées par les soldats des FARDC, par la GR, la Police d'Intervention Rapide, les Services Spéciaux de Renseignement de la Police, mais aussi les Services de Renseignements Militaires et Civils, durant et après les combats, sans respecter les procédures légales et le plus souvent parce que la personne arrêtée était tout simplement originaire de la province de l'Equateur. Un nombre important de victimes a subi des traitements cruels, inhumains et dégradants au cours de leur détention."

Que vise l'usage de la violence dans les Etats manqués?

Il vise la création d'un climat de peur entretenu par les intimidations, les menaces de mort et les différentes formes de harcèlement. La population civile, l'opposition institutionnelle et les journalistes en ont été victimes. Créer un climat de peur peut aider les bourreaux dans le camouflage de la vérité des faits. Ce climat de peur ayant gagné les masses importantes de nos populations a rendu le travail de l'équipe de la Monuc difficile. "L'enquête a (…) été rendue plus compliquée, écrit cette équipe, par le climat politique et sécuritaire qui régnait à la suite des événements. Beaucoup de victimes et de témoins rechignaient à rencontrer l'équipe, et ce en particulier au début de l'enquête. D'autres étaient disposés à parler aux enquêteurs mais craignaient pour leur sécurité personnelle et affirmer qu'ils se cachaient. De même dans les hôpitaux et les centres médicaux ainsi que dans certains secteurs clés, les gens étaient mal à l'aise quand il s'agissait de rencontrer des membres de l'équipe car ils étaient convaincus d'être sous la surveillance des services de renseignements". Les proches et les milieux ayant perdu leurs membres n'ont pas pu témoigner même s'ils savaient qu'ils avaient été jetés dans le Fleuve Congo ou enterrés dans les fosses communes des cimetières maintenus sous la surveillance des soldats de la GR et des agents de l'ANR peu après les événements. L'usage excessif de la force les 22 et les 23 mars et même après aurait aussi visé un génocide des ressortissants de l'Equateur. En effet, "un certain nombre des quartiers de ces communes (Barumbu et Limete) ont connu d'importantes pertes en vies humaines et aussi matérielles entre les 23 et 25 mars, particulièrement dans les secteurs pro-MLC, principalement habitées par des personnes natives de la province de l'Equateur, comme Limete, Funa, Socopao, Ofitra et Pakadjuma."

Quel est le bilan de cet usage excessif de la force?

L'équipe de l'ONU a revu à la hausse les chiffres officiels (60 tués et 74 blessés) publiés par les autorités de Kinshasa. Pour elle, "les preuves de ce que 100 cadavres au moins ont été jetés dans le fleuve Congo ou ensevelis dans les tombes anonymes dans les camps militaires par les forces gouvernementales indiquent que le bilan des tués pourrait être très élevé." Certains blessés (et qui seraient morts chez eux) ne s'étant pas rendus dans les principaux hôpitaux par crainte d'y rencontrer les soldats de la GR dont la présence en masse à certaines morgues a été signalée plaident en faveur de ce bilan élevé. Et si nous tenons compte du fait que "l'Hôpital Général de Kinshasa a, à lui seul, enregistré 163 victimes, tuées ou blessées" et du refus de l'Inspection Générale de la Santé de fournir le chiffre officiel global de victimes, après avoir déclaré "ne pas avoir été autorisée à fournir les informations pertinentes", il y a lieu d'affirmer que cette guerre a fait trop de victimes inutiles.

L'usage de la force, négligence du gouvernement et rejet de la négociation

En lisant le rapport de l'équipe multidisciplinaire de la Monuc, une seule grande conclusion se dégage : "La décision politique et militaire globale de désarmer par la force le DPP (la garde de Jean-Pierre Bemba) fut prise malgré qu'une solution négociée pouvait encore être trouvée, et ce malgré le risque tout aussi évident qu'une telle opération et sa préparation faisait courir à la population civile. Des actes de recours à la force infondés, excessifs, sans discrimination, et comportant des risques élevés, perpétrés par toutes les parties engagées dans les combats, ont fait des victimes civiles et causé des dommages matériels à la propriété privée." Pour l'équipe de la Monuc, "le gouvernement congolais a fait preuve de négligence dans le cadre de son devoir de protection de la population civile de Kinshasa en prenant la décision de donner l'assaut contre les camps de Bemba ou d'ordonner des actions, comme des mouvements des troupes, qui étaient susceptibles de provoquer un affrontement armé dans le centre ville. Il a aussi manqué de prendre en considération les dommages collatéraux qui allaient immanquablement être causés par des actions qui furent entreprises au beau milieu d'un jour ouvrable, sans avoir averti préalablement la population."

Les usagers de la force excessive et sans discrimination ont-il atteint leur but?

Depuis les 22 et 23 mars 2007, rien n'a été entrepris à Kinshasa en vue d'établir les responsabilités des personnes et des institutions impliquées. "Bien que le Président Kabila ait donné une conférence de presse à propos des événements le 26 mars, il y eut fort peu de réactions officielles par la suite : aucun bilan officiel du nombre de victimes n'été communiqué et aucune explication précise n'a été fournie au public quant à l'origine des combats. L'ouverture d'une enquête par le Procureur Général dans le but d'ouvrir les poursuites contre Jean-Pierre Bemba fut la seule action judiciaire remarquable prise à la suite des événements. Aucune enquête, aucune poursuite n'a été engagée contre la GR, les FARDC ou des éléments de la Police soupçonnés d'avoir commis des violations graves des droits de l'homme au cours des événements." En d'autres termes, la peur a gagné toutes les victimes de cet usage irréfléchi de la force ainsi que leurs proches. Les députés et sénateurs témoins de ces événements auraient donné leur langue au chat. Donc, les usagers de la force irréfléchie ont atteint leur but : semer la peur et la crainte dans les esprits afin de violer la vérité sur les événements des 22 et 23 mars.

Bon à savoir

Depuis les années 1970 (et même un peu plus tôt), une guerre sans merci est menée contre la démocratie par les forces du marché. Contrairement à ce que "leurs petites mains" affirment officiellement, la démocratie, en tant que principe de la gestion consensuelle de la gestion commune sur fond d'un désaccord fondateur, est combattue à travers la plupart des pays du monde. En Afrique, les supplétifs de l'ordre néo-libéral mènent cette lutte en instrumentant l'armée, la police et les autres services de sécurité. L'usage irréfléchi de la force, c'est-à-dire le recours à la violence sans discrimination est devenu un mode de gouvernement de la plupart des Etats. Le triomphe du marché mondialisé marche de pair avec l'affirmation des Etats manqués. Le Congo, à cause de ses richesses stratégiques, ne fait pas exception à cette règle. Ses richesses constituent "sa malédiction". L'amateurisme, la mauvaise foi et l'implication d'un bon nombre de gouvernants congolais actuels dans les réseaux de prédation mondialiste feront du Congo, pendant assez longtemps, un champ de prédilection pour un usage excessif et sans discrimination de la violence. Dans son bilan sur la situation en RDC de ce mercredi (26/12/2006), la Monuc se dit préoccupée face à la violence qui perdure dans les Kivus. "La Monuc continue de déplorer la persistance de violations des droits de l'hommes et du droit international humanitaire en particulier celles commises par les FDLR et les dissidents de Laurent Nkunda ainsi que d'autres milices et groupes armés et des éléments des FARDC, de la Police nationale congolaise (PNC) et d'autres services de sécurité et de renseignement." Du mois de mars jusqu'au mois de décembre, ce sont les mêmes groupes et services qui entretiennent la violence. Et la Monuc les dénonce toujours de la même manière en sollicitant le gouvernement congolais pour qu'il mette fin à ces violences et traduise en justice les auteurs de ces crimes.

La radio Okapi rapporte qu'un motard a été assassiné la nuit dernière par des hommes armés en tenue uniforme à Aru, à 260 kilomètres de Bunia. " Les collègues de la victime appuyés par de nombreux civils sont descendus dans la rue pour exprimer leur colère. Ils ont été dispersés par des militaires qui ont tiré des coups de feu en l’air. Le drame s’est produit dans la nuit de mardi à mercredi, vers 2h locales, non loin du marché central d’Aru-centre. Les manifestants s’en sont pris aux éléments de la 1ere brigade intégrée basée dans cette cité. D’après eux, les auteurs du meurtre de leur collègue ne pouvaient être que des éléments de cette brigade." Arriver à bout de cette violence entretenue doit passer par la rupture des alliances avec les pompiers-pyromanes. La Monuc n'y peut rien malgré ses multiples dénonciations. Elle vit du soutien des pays dont les multinationales sont impliquées dans les pillages des ressources du Congo. Les petites descentes ponctuelles dans la rue n'y peuvent pas grand-chose : la police politique veille. Appuyer les mouvements sociaux congolais et ceux de la résistance dans leurs multiples actions peut, à terme, créer des espaces d'un petit bonheur partagé. Oui. A terme. C'est-à-dire sur des longues années d'efforts acharnés, accomplis par des quantités importantes de gens procédant à une division raisonnable et rationnelle du travail commun d'autodétermination. S'agissant de la guerre des 22 et 23 mars et d'autres questions laissées sans réponse (telles celles liées aux contrats léonins, à Kahemba, aux massacres de Bundu dia Kongo, etc.) par les gouvernants actuels, ces mouvements devraient recourir en leurs seins aux services des "Kabulekedi nansha bidimu biapita nkama" (c'est-à-dire les veilleurs-protecteurs de la mémoire collective de nos populations) pour relancer un jour le débat et aller jusqu'au bout. C'est à ces "Kabulekedi" qu'il appartient de demander que les conférences pour la paix ne soient pas limitées à une seule portion de notre territoire mais à tout le Congo. Les élections concoctées de l'extérieur ayant marqué leurs limites, il faut tout recommencer à zéro, remettre sur le chantier la Commission Justice, Vérité et Réconciliation. Et que les élections plus inclusives aient lieu.

J.-P. M

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