KABILA: Six ans et toujours pas de démocratie... La dérive totalitaire. MOMEMI MAKI BO... MOKO !
La magistrature restreint les libertés individuelles,
la Majorité restreint la liberté des magistrats. La RDC vit l’ère de la dérive
totalitaire. La contre-attaque du syndicat national de la magistrature, exprimée
par une contre-pétition au Parlement n’a pas sa chance de passer dans un
hémicycle aux trois-quarts acquis à la cause du président de la République,
quelque soit la moralité de la question. L’affaire Nkulu Kilombo en est une
parfaite illustration. C’est la situation qui se vit aujourd’hui dans l’espace
politique rd-congolais.
C’est la rentrée judiciaire qui a sonné le glas
des libertés individuelles au pays par la promulgation d’une mercuriale du
Parquet général de la République (PGR) affichant une brochette des choses à ne
pas faire, comme dans une vaste prison. Et le moindre geste contraire à ce qui
s’apparente désormais à une loi martiale serait jugé comme outrage, une offense.
A peine Tshimanga Mukeba se délectait-il encore de son coup de force dont le but
inavoué serait de se mettre à l’évidence et de protéger la classe dirigeante des
bois verts contre sa mégetion caractérisée, la Majorité au pouvoir est sortie
pour lui imposer la présence du Président de la République ainsi que du ministre
de la Justice au sein du Conseil supérieur de la Magistrature (CSM). Pour y
parvenir, la Majorité (310 députés AMP ayant signé la pétition) veut attaquer la
Constitution, adoptée avec large majorité (83% de 25 millions de Congolais) lors
du referendum du 18 décembre 2005. Leur objectif, offrir au Président de la
République une Constitution sur mesure, moins de deux ans seulement après son
adoption.
RDC, une prison grandeur nature
Déjà, la semaine
s’est ouverte avec les restrictions des libertés que le PGR a consacrées par sa
Mercuriale. Le document ne laisse aucune chance à la liberté de critiquer des
autorités bardées d’immunités, notamment le Président de la République, les
membres du gouvernement, du Parlement, de la Magistrature, les officiers des
forces de l’ordre et les mandataires publics. Une liste d’infractions contre ses
personnalités qui ont droit à tout est prescrite. Rien pour les simples
citoyens, qui n’auront que leurs yeux pour pleurer. Dans un pays qui vit plus de
40 ans de corruption et classé encore aujourd’hui par Transparency international
parmi les plus corrompus de la planète, si un gestionnaire de la res publica
peut traîner en justice toute parole, tout écrit qui dénoncerait ses actes, à
quoi peut-on s’attendre, surtout que la subjectivité du concept, c’est-à-dire
les limites de la critique et de l’outrage sont confondues dans la nouvelle
perception des libertés.
Désacraliser la Constitution
A peine
a-t-elle été promulguée, la Constitution de la RDC, votée dans la douleur du
changement démocratique, avec les morts, les privations, etc. est en passe d’une
révision, juste pour trouver un siège au Président de la République et un autre
au ministre de la Justice au sein du CSM. Les autres articles (110 et 197)
soumis à révision ne sont cités que pour accompagner le Coup d’Etat
constitutionnel. La pétition a été déposée à l’Assemblée nationale par le député
PDP-AMP Tshibangu Kalala pour désacraliser la ‘‘Bible’’ de la RDC. A la criée,
comme un vulgaire règlement. Puisque pour lui, l’absence du président de la
République au CSM est ‘‘une erreur très grave qui ne peut que créer, à terme,
non seulement le dysfonctionnement sérieux de nos institutions, mais aussi
consacre une incohérence inadmissible au sein de l’ordre constitutionnel’’. Il
propose une modification de l’article 152 pour y greffer une alinéa sur mesure
en ces termes : ‘‘Le CSM est composé du président de la République, du Ministre
de la Justice, des Magistrats et des personnalités indépendantes issues de la
Société civile’’. Le président présiderait le CSM, ou le Ministre de la Justice,
vice-président de l’organe, en son absence, une loi organique déterminerait la
composition, l’organisation et le fonctionnement du Conseil.
Bras de
fer
Le président du Syndicat autonome des magistrats du Congo (SYNAMAC),
principal syndicat, n’a pas tardé à réagir. Pièce par pièce, Nsamabay Mutenda
Lukusa a attaqué pièce par pièce l’argumentaire qu’il a traité de sociologique.
Pour Nsambay, c’est une démarche qui ramènerait la magistrature au temps fort de
la dictature mobutienne. ‘‘Il serait donc une aberration que le Conseil
supérieur de la magistrature, un organe corporatif pour la gestion
disciplinaire, financière et professionnelle des magistrats, c’est-à-dire du
point de vue carrière, soit dirigé par un politique, bien que le président de la
République est appelé magistrat suprême’’, a-t-il confié au Révélateur, début
septembre, à l’annonce de cet acte jugé suicidaire. ‘‘Les présidents de ces deux
institutions (Assemblée nationale et Sénat, Ndlr) comprennent qu’en leur sein,
il y a des pétitionnaires qui cherchent à induire les autres en erreur, parce
que toute l’Assemblée nationale et tout le Sénat ne sont pas constitués que par
des juristes’’, a-t-il indiqué. Reconnaissant néanmoins au président le titre de
magistrat suprême (disposant déjà du pouvoir constitutionnel, il nomme et
révoque les magistrats sur proposition du CSM. Il peut remettre, modifier ou
réduire des peines. Il a aussi le privilège de nommer trois sur les neuf membres
que constitue la Cour constitutionnelle), il juge sa présence dans le CSM comme
une violation de la Constitution ‘‘qui prévoit des dispositions précises pour
assurer l’indépendance du pouvoir judiciaire’’. Il a indiqué l’existence des
passerelles légales mises en place entre les pouvoirs pour la bonne marche de
l’Etat. Du point de vue pratique, Nsambay a mis en avant le cas de Mobutu qui a
été président du Conseil pendant 30 ans, et n’avait assisté à aucune des
réunions.
Déjà en septembre, les magistrats n’ont pas hésité de larguer
la foudre sur l’apprenti politicien, qui voudrait entamer, par son initiative
égoïste, la crédibilité du processus de démocratisation en RDC. En effet, nombre
de députés contre objectent d’inventorier tous les articles susceptibles de
révision et de les soumettre à la plénière de l’Assemblée nationale. La majorité
des magistrats a exprimé sa réticence de voir sa carrière gérée par des
politiques, ce qui serait l’immixtion du pouvoir exécutif dans le judiciaire, un
tare dans l’objectif d’atteindre l’indépendance de la magistrature. Le
législateur l’a d’ailleurs clairement notifié, en l’article 152, point 3, alinéa
10 : ‘‘La présente Constitution réaffirme l’indépendance du pouvoir judiciaire
dont les membres sont gérés par le Conseil supérieur de la Magistrature
désormais composé des seuls magistrats’’. En plus, la ‘‘Bible’’ des lois en RDC
est formelle en son article 220. ‘‘La forme républicaine de l’Etat, le principe
du suffrage universel, la forme représentative du Gouvernement, le nombre et la
durée des mandats du président de la République, l’indépendance du pouvoir
judiciaire, le pluralisme politique et syndical, ne peuvent faire l’objet
d’aucune révision constitutionnelle’’, stipule l’article qui protège également
les articles sur les droits et les libertés individuelles de toute tentative
révisionniste de quelques aventuriers.
Alea jacta est ?
Avec
la majorité actuelle au Parlement, il est fort à parier que le sort en est jeté.
Bonjour l’instabilité politique. Bonjour la révision pour restreindre les
libertés, bonjour la révision pour prolonger les mandats électifs, bonjour la
révision visant à immuniser les prédateurs économiques. Bonjour les sièges
électifs personnalisés pour les parlementaires qui peuvent s’offrir des
va-et-vient entre le gouvernement et l’Assemblée.
Ca sent l’amalgame
Les magistrats congolais pressentent les amalgames qui ont vu le jour
pendant la transition lorsque les politiques cherchaient à justifier le refus du
Maréchal Mobutu à organiser une Conférence nationale souveraine pour une
conférence constitutionnelle. Des professeurs d’université ont soutenu cette
aberration afin de contourner la volonté du peuple et sauver les intérêts de
Mobutu. Beaucoup de sang a coulé pour obtenir cette Conférence, finalement
sabotée par les mêmes politiques pour des postes politiques.
Tricherie dans la démarche
Au niveau de l’Assemblée
nationale, des voies s’étaient élevées pour dénoncer la tricherie usée par
Tshibangu Kalala pour obtenir certaines signatures. Certains députés criaient à
l’abus de confiance. Ce fut le cas de Lisanga Bonganga, président la Convention
chrétienne pour la démocratie (CCD), qui disait, début septembre avoir signé la
pétition pour un objet autre que celui pour lequel il a été sollicité . Il avait
soulevé outre ce que serait l’attitude des magistrats, fonctionnaires de
surcroît, membres du CSM devant un point de vue défendu par le Chef de l’Etat si
celui-ci présidait le dit Conseil ? La question reste posée.
Losako/Le Révélateur