Des étudiants de l’Université de Kinshasa ont manifesté bruyamment, jeudi 13 janvier, leur colère après la découverte d’un de leurs camarades pendu. Le corps présentait des traces de mauvais traitements. Des éléments de la police, dirigée par le colonel Kanyama, ont tiré à balle réelle sur les étudiants. Bilan provisoire : cinq étudiants tués et plusieurs dizaines de blessés. Des étudiants ont été appréhendés. Certains témoins font état de cas de viols. 

Que s’est-il passé le jeudi 13 janvier au Campus de l’Université de Kinshasa? Selon une version quasi-officielle émanant de l’Agence congolaise de presse (ACP), "une vive tension" y règnait "jeudi matin (...) à la suite de la découverte d’un corps inanimé pendu à une corde entre les homes 10 et 20". Le corps a été identifié "comme étant celui d’un étudiant de cette université". L’Agence de préciser que la dépouille mortelle portait "des blessures et des traces de tortures qui laissent entrevoir l’hypothèse d’un crime prémédité". Suite à cette découverte, des étudiants en colère ont mis à sac la résidence du recteur et incendié plusieurs véhicules. La dépêche de l’ACP parle "d’expédition punitive".

Des policiers envoyés sur le lieu "pour rétablir l’ordre ont tiré en l’air pour disperser les manifestants", indique la dépêche, citant des témoins. Ces témoins ont sans doute omis de relever que les policiers, commandés par un certain colonel Kanyama, ont tiré, à balle réelle, sur les étudiants. Bilan provisoire : cinq étudiants tués et plusieurs dizaines de blessés. Jeudi soir, deux questions revenaient dans toutes les bouches. Qui a donné l’ordre de tirer sur les étudiants? Où se trouvent les corps des victimes?

Il règne un sentiment de malaise à l’Université de Kinshasa où tout le monde se méfie désormais de tout le monde. Dans la nuit du 4 au 5 janvier, le corps sans vie d’un étudiant en médecine a été trouvé sur le site universitaire. Aucune enquête n’a été ouverte à ce jour pour cerner les circonstances réelles de ce décès pour le moins mystérieux. L’affaire a suscité pas mal de spéculation au moment où survient un second cas analogue. D’aucuns n’hésitent pas à y voir "la main du pouvoir kabiliste" derrière ces "crimes". "Joseph Kabila se trouve dans une logique de terre brûlée consistant à multiplier des incidents de nature à semer la terreur au sein de la population", commente un étudiant joint au téléphone à Kinshasa. "Nous tiendrons tête à ce pouvoir criminel qui connaît mal la capacité de resistance du monde estudiantin, a-t-il ajouté. Nous sommes habitués à ce genre de stratégie de la tension...".

Jeudi soir, plusieurs témoins dénonçaient non seulement les tirs de la police sur les étudiants mais aussi des cas des viols. "Plusieurs étudiants ont été tabassés par des policiers avec une sauvagerie inouie". Au moment de boucler ces lignes, un SMS tombe. L’expéditeur est un étudiant kinois. Il écrit : "La manifestation d’aujourd’hui a été l’occasion pour les étudiants de dénoncer l’ambiance d’insécurité qui règne au sein du site universitaire de Kinshasa mais aussi d’envoyer un message de désapprobation au pouvoir kabiliste qui cherche à tripatouiller la Constitution. Les soucis de nos dirigeants sont aux antipodes de ceux de la population. Nous n’avons pas encore dit notre dernier mot".

Il faut espérer que les autorités judiciaires se feront un point d’honneur pour ouvrir une information judiciaire afin d’élucider ces deux décès énigmatiques.

B.A.W/C.M