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LOSAKO
18 mai 2010

Albert II au Congo : Une visite mal vue

35380798_mAlbert II est attendu à Kinshasa le 29 juin prochain où il doit effectuer sa première visite en tant que souverain belge à l’occasion des festivités du 50ème anniversaire de la proclamation de l’indépendance du Congo. Dans les milieux congolais de la diaspora, cette visite royale est globalement considérée comme «inopportune». Vendredi 14 mai, des Congolais ont manifesté à Bruxelles leur opposition à ce périple qu’ils considèrent comme un «soutien» au pouvoir kabiliste.

Des Congolais, estimés à une centaine, ont crié vendredi 14 mai tout le mal qu’ils pensent de la prochaine visite du couple royal belge en RD Congo. Les observateurs auraient tort de ricaner sur le «faible taux» de participation. Cette faiblesse n’est que relative. En Occident, le nombre d’adhérents est un des critères fondamentaux pour jauger la puissance d’une organisation ou la popularité d’une «manif». Le Congo-Kinshasa est un monde à part. N’ayant pas de tradition associative ou syndicale, les ex-Zaïrois constituent un des peuples les plus difficiles à mobiliser pour une cause. Le plus grand nombre d’entre eux préfère se trouver du côté de la «majorité silencieuse» qui approuve l’action des concitoyens les plus actifs. Sans mettre les mains dans le cambouis.

Un mauvais signal

La confirmation de ce voyage a été révélée pour la première fois le 7 avril dernier par l’ambassadeur de Belgique en RD Congo, Dominique Struye de Sweeland. Bien que démissionnaire, le Premier ministre belge Yves Leterme a confirmé récemment à la RTBF-radio qu’il va accompagner le Roi à Kinshasa. «La RD Congo est toujours déchiré par des conflits internes, la corruption ainsi que par une incompétence et un manque de volonté sur le plan politique, a déclaré un porte-parole des organisateurs de cette démonstration. En allant au Congo, le Roi Albert II donne le signal que son gouvernement soutient Kabila. C’est un mauvais message pour le peuple congolais.»

La représentation à Bruxelles du parti kabiliste PPRD (Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie) s’est fendu d’un communiqué le même vendredi. Le texte est signé : «direction de la communication PPRD Bruxelles». Le titre se passe de tout commentaire : «La communauté congolaise de Belgique soutient la visite du Roi». Cette affirmation sans nuance ne se fonde nullement sur des éléments scientifiques découlant d’un sondage d’opinion. En tous cas, dans les conversations et débats entre Congolais au niveau du «Net» et des radios de la diaspora, il se dégage une nette tendance «contre» cette visite. Joint au téléphone par la rédaction de Congoindependant, le président du PPRD-Bruxelles, Derlin Mputu, estime que «la visite du roi Albert II au Congo n’est nullement un soutien apporté au pouvoir en place en RD Congo. Les gens confondent la participation à un événement et le soutien à un gouvernement». Pour lui, cette visite est une occasion pour Congolais et Belges «de renforcer les liens existant entre deux peuples qui ont partagé une destinée commune durant quatre-vingt ans.» «Il ne faut pas oublier que c’est grâce à la Belgique que la RD Congo a été inscrite à l’agenda de la communauté internationale», a-t-il ajouté.

395450Pour ou contre la visite du roi Albert II ?

«Aujourd’hui, vous pouvez rencontrer des Congolais qui vantent les mérites des «Cinq chantiers» mais il est de plus en plus difficile de trouver des compatriotes qui se vantent de militer dans le parti présidentiel», commente un étudiant. Accusé d’être à la tête d’un «pouvoir d’occupation», Joseph Kabila souffre un vrai déficit d’image.

Pour en avoir le cœur net sur la controverse suscitée par ce déplacement du couple royal belge, la rédaction de C.I.C a interrogé quelques citoyens congolais. A la question «Etes-vous pour ou contre la visite du roi Albert II au Congo», voici les réponses les plus significatives. Certains de nos interlocuteurs ont souhaité garder l’anonymat. Notons que dans le communiqué précité du PPRD-Bruxelles, il est écrit notamment : «En cette année du cinquantenaire de notre indépendance où nous commémorons nos martyrs qui ont donné de leur sang pour le respect, la dignité et l’autodétermination du peuple Congolais, la RDC, ayant retrouvé sa place dans le concert des nations, tient à remercier tous ses partenaires et pays amis, peut-on lire dans le communiqué. C’est pourquoi la visite du Roi des Belges et du Premier ministre est un honneur pour l’ensemble du peuple congolais.» Et d’ajouter : «Un cinquantenaire de l’indépendance sans la présence marquée de la Belgique n’aurait pas été compris par le peuple congolais. Partager ces moments de bonheur et de recueillements nous permettra enfin d’exprimer notre gratitude. C’est aussi un espoir que l’amitié entre nos peuples et ce lien qui nous unit maintenant depuis plus de 100 ans restera à jamais vivant. Il s’agit enfin, de la reconnaissance que la RDC n’est pas une vague et lointaine contrée du monde, et que nous avons une histoire commune forte qui unit nos peuples.»

Visite «inopportune» et «infantilisante»

Les gens qui partagent l’enthousiasme du représentant du PPRD-Bruxelles sont loin d’être légion au sein de la diaspora congolaise de Belgique. Pour «départager» les «partisans» et «opposants» à la visite d’Albert II, notre rédaction a interrogé un petit échantillon des citoyens. «Nous sommes «pour», clament en chœur trois anciens fonctionnaires congolais. Le Congo et la Belgique entretiennent des relations privilégiées. Nous ne voyons aucun inconvénient à ce voyage. Le souverain belge est un peu chez lui au Congo. En revanche, nous désapprouvons la manière dont le pays est gouverné par le régime de Joseph Kabila». Les intervenants suivants ne vont pas par le dos de la cuillère. Pour eux, la présence d’Albert II à ces festivités est «infantilisante» pour le peuple congolais et «inopportune» à la veille des échéances électorales de 2011. «Je suis contre ce voyage qui va intervenir à la veille des élections de 2011. Cette visite sera utilisée comme un adoubement au régime Kabila en dépit des violations des droits humains, des souffrances qu’endure la population et le déficit démocratique en place», tonne l’analyste politique Mayoyo Bitumba Tipo-Tipo. Pour lui, ce voyage vient confirmer que l’homme politique congolais est demeuré un «grand enfant». «Cinquante années après la proclamation de l’indépendance, l’homme politique de ce pays a encore et toujours besoin de l’onction de la Belgique pour se légitimer», ajoute-t-il. Un étudiant d’enchaîner : «Ce voyage dissimule mal la volonté de soutenir un régime illégitime qui a brillé par son inaptitude à donner des réponses aux aspirations de la population au bien-être.» Et d’ajouter : «Le 30 juin prochain, il ne sera question que de Kabila et du Roi des Belges. Qu’en est-il de ceux qui ont payé de leur vie pour cette indépendance ? Je n’ai pas entendu un mot sur Patrice Lumumba.» Le juriste Jean-Claude Ndjakanyi qualifie ce périple royal d’«inopportun». «En donnant son aval à ce voyage, fait-il observer, le gouvernement belge a engagé le redoutable pari de défier les citoyens congolais lesquels ne se reconnaissent en leurs gouvernants en place.» Pour lui, une certaine Belgique «va à l’encontre des aspirations au changement des Congolais». Notons que des personnalités politiques de la Belgique francophone ont été les plus grands «intercesseurs» de ce périple.

Festoyer ou méditer ?

4436311704_8dc0988fc2_o«Avez-vous déjà vu des gens festoyer dans une maison en deuil ?» «Que va-t-on fêter ?» Ce sont les deux questions qui revenaient sans cesse dans la bouche de plusieurs personnes. Comme pour répondre à ces interrogations, le Congolais Jean-Claude Maswana a utilisé le «Net» pour exhorter ses concitoyens à organiser des «journées de réflexion» afin notamment de faire une «autocritique» de la gestion du pays depuis cinquante ans et «méditer sur ce qu’a été notre part de responsabilité dans le néo-colonialisme en cours» et sur ce qu’il y a lieu de faire pour «conquérir la vraie indépendance (…).»

Au-delà de ce charivari, à Kinshasa, les anciens combattants congolais de la Deuxième guerre mondiale (73 survivants sur un effectif de 25.000) ont des préoccupations plus existentielles. Ils espèrent être reçus par le souverain belge. Regroupés au sein au sein de l’UNACO (Union nationale des anciens combattants du Congo), ces vétérans de la «guerre 40-45» entendent «plaider pour la reconnaissance de leurs mérites après avoir servi sous le drapeau belge (…)», a déclaré Norbert Kisombelo Ndotoni, président de l’UNACO. Celui-ci a déploré le 9 mai dernier le fait que «65 ans après la fin de cette guerre, les anciens combattants congolais ne bénéficient d’aucune attention particulière de la part des autorités compétentes de la RDC et de son ancienne métropole.»

On le voit, Albert II va entreprendre une visite controversée. Une chose paraît sûre : la proximité des élections générales de 2011 est un moment mal choisi. En 1990, la jeune opposition congolaise avait réussi à faire «délocaliser» à la Baule, en France, le sommet des chefs d’Etat de France et d’Afrique qui devait se tenir cette année là à Kinshasa. Les élections générales étaient annoncées pour décembre 1991. Les «opposants radicaux» de l’époque voulaient empêcher le président Mobutu Sese Seko de prendre un «avantage diplomatique» sur ses futurs adversaires. Autre temps...

B.A.W

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  • Le porte-voix de tous ceux qui cherchent vainement dans quel forum de ce monde, ils peuvent se faire entendre.. Oui, je veux donc parler au nom de tous les « laissés pour compte » parce que « je suis homme et rien de ce qui est humain ne m’est étranger ».
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