Il ne faut jamais confondre vitesse et précipitation, dit-on. La décision rendue publique par le Conseil des ministres restreint du 10 mars 2010 à Bruxelles - concernant le voyage du souverain belge en RD Congo à l’occasion des festivités du 50e anniversaire d’indépendance semble être une décision précipitée et étonne beaucoup d’observateurs de la politique congolaise.

Nous pouvons commencer par évoquer les propos de Charles Michel, ministre belge de la Coopération au développement, qui, dans une déclaration à RTL Radio, se dit favorable mais conditionne ce voyage à un certain nombre des préalables notamment la lutte contre la corruption et la bonne gouvernance. A ce sujet, nous croyons rêver car ces fléaux décriés par ce ministre ne datent pas d’aujourd’hui d’autant plus que Monsieur Karel De Gucht y est revenu plusieurs fois de manière claire et directe sans créer l’unanimité en Belgique autour de ses déclarations. On est en droit de se poser la question de savoir si le gouvernement belge pense raisonnablement que ces hypothèques seront levés d’ici le 30 juin prochain. Rien n’est moins sûr.

Ce que nous pouvons dire de manière aussi clair que possible au peuple belge est que les Congolais seront les premiers ravis d’accueillir le souverain belge sur leur sol. Seulement, ce qui est redouté, c’est l’exploitation politicienne et spécieuse qui sera fait de ce voyage par le pouvoir actuel de Kinshasa au moment où non seulement il y règne une incertitude absolue sur l’avenir de la démocratie, mais surtout le fait que la majorité des Congolais vivent dans une misère insoutenable.

En dehors de la mauvaise gouvernance et de la corruption endémique devenue un modèle de gestion de l’Etat, le pouvoir de Kinshasa entretient le flou total sur le calendrier des échéances électorales 2010 et 2011. L’ONU, l’Europe et les Etats-Unis viennent d’écrire au président Joseph Kabila pour exiger qu’un calendrier des opérations électorales soit fixé pour ne pas être pris de court par le temps et permettre la tenue des échéances de 2011. Nous estimons que le Palais aurait dû attendre une suite à cette importante démarche qui engage aussi la Belgique. C’est aussi une façon de manifester sa solidarité au peuple congolais qui attend impatiemment ces échéances électorales pour s’exprimer, cette fois-ci, avec beaucoup plus de lucidité et de responsabilité par rapport au scrutin de 2006.

Le peu d’empressement manifesté par Joseph Kabila et son "clan politique" montre qu’il y a anguille sous roche. En effet, les indiscrétions provenant des officines politiques pro-kabilistes indiquent que le président de la République veut surprendre les Congolais en improvisant les élections présidentielles seules en 2011 sous prétexte qu’elles seraient moins coûteuses. Drôle de logique qui cache un arnaque électoral qui mettrait les Congolais et, pourquoi pas, la communauté internationale devant un fait accompli.

La Belgique, ancienne puissance coloniale du Congo, qui va présider l’Union européenne à partir du 1er juillet 2010, devrait se montrer davantage plus exigeante en matière de démocratie, de gouvernance, de respect des droits humains ainsi qu’en ce qui concerne le déroulement correct des prochaines échéances électorales. Le succès du voyage royal dépendra principalement de ces préalables au risque d’être considéré comme un "chèque en blanc" pour le maintien au pouvoir du chef d’Etat en place. Celui-ci ne dissimule plus sa volonté de restaurer un régime autocratique.  Tharcisse Loseke Nembalemba, Amitiés Congo - Europe, asbl, Acteur politique