Sur instruction de Joseph Kabila, le gouvernement congolais a décidé d’offrir une aide d’urgence d’un import de 2,5 millions USD au peuple haïtien. Qui pourrait s’en offusquer face à la tragédie humaine que vit ce peuple suite au séisme qui a détruit leur pays ? Là où le bat blesse est que 107.000 citoyens congolais, réfugiés au Congo d’en face, dépendent pour leur survie de la charité internationale. Il en est de même des populations des provinces du Kivu et de la Province orientale.

Deux millions cinq cent mille dollars américains. Pas moins. C’est la somme que le Congo de Joseph Kabila a déboursé – ou va débourser - pour apporter l’aide d’urgence au peuple haïtien. L’importance de la somme surprend dans la mesure où ce pays n’a même pas encore de budget pour l’exercice 2010. D’où vient de cet argent ? Cette contribution vise-t-elle à secourir un peuple en détresse ou à flatter l’ego du chef de l’Etat congolais ? «Suite à la catastrophe qui a frappé le peuple d’Haïti avec le tremblement de terre, le gouvernement de la République démocratique du Congo exprime sa compassion et partage avec ce peuple frère des caraïbes toute la douleur profonde que ce séisme a causée, annonce un communiqué daté 16 janvier, revêtu de la signature du ministre congolais de la Communication et des médias, Lambert Mende Omalanga. Sur instruction du président de la République, (…), le gouvernement de la République vient de décider une contribution de solidarité de 2.500.000 USD qui viennent d’être mise à disposition dans le cadre des efforts de secours mis en œuvre par le secrétariat général des Nations Unies».

Les réactions n’ont pas tardé. Tout en compatissant au malheur qui frappe le peuple haïtien, certains Congolais contactés par la rédaction de Congoindependant.com qualifient ce geste d’«immoral» compte tenu de l’importance du montant autant que des problèmes endogènes du pays. «J’ai du mal à comprendre la pertinence de cette arrogante générosité au moment où les Congolais du Kivu et ceux de la Province Orientale dépendent de la charité internationale pour survivre, commente un étudiant à Bruxelles. C’est le cas également des 107.000 habitants de la localité de Zongo réfugiés au Congo Brazzaville». Une commerçante du Quartier Matonge de Bruxelles d’enchaîner : «J’espère que c’est une blague. Si votre information se révélait vraie, il faudrait conclure que nos dirigeants n’ont nullement conscience de leurs responsabilités. N’est-il pas incohérent de débourser une somme aussi importante au titre d’aide au moment où le Congo cherche à obtenir l’effacement d’une importante partie de sa dette extérieure ?». Et d’ajouter : "Voyez-vous d’ici le nombre de problèmes internes que nous aurions pu résoudre avec une telle masse d’argent?" Certains observateurs ont émis le même étonnement – c’est un euphémisme - en qualifiant cette démarche d’«indécente générosité».

On le sait, depuis une semaine, le Haïti, un pays pauvre parmi les plus pauvres, focalise l’actualité internationale. Premier Etat noir ayant arraché son indépendance les armes à la main, ce pays fait face à une crise humanitaire sans nom suite au séisme qui a rayé plusieurs de ces villes et villages de la carte.

L’aide afflue aux quatre coins du monde. Ancienne puissance coloniale, la France a donné une contribution de 10 millions d’euros au titre d’ «aide d’urgence». Plusieurs pays ou organisations ont déjà répondu à cet appel. C’est le cas notamment les Etats-Unis (100 millions de dollars) l’Australie (8,99 millions de dollars), le Brésil (15,5 millions de dollars), le Canada (53,66 millions de dollars), la Chine (5,4 millions de dollars), le Danemark (7,4 millions de dollars), ou l’Union Européenne (4,3 millions de dollars). Le Sénégal a offert une portion de son territoire aux Haïtiens désireux de s’expatrier.

L’importance de la contribution offerte par le gouvernement congolais choque au regard non seulement de la mauvaise santé des finances publiques mais aussi de la situation dramatique que vivent les Congolais. On rappelle que les Etats-Unis et la France ont promis, vendredi 15 janvier, de donner des contributions estimées à 3,57 millions d’euros dans le cadre d’assistance humanitaire aux 107.000 habitants de Dongo réfugiés au Congo-Brazzaville. Le 29 décembre dernier, le gouvernement US avait remis une enveloppe de 4,6 millions de dollars US à son ambassade à Brazzaville pour cette même fin. On rappelle également qu’au cours d’une conférence de presse, mardi 29 décembre, le ministre congolais de la Communication et des médias, Lambert Mende Omalanga, invitait les habitants de Dongo à regagner le pays en soulignant que l’aide sera distribuée uniquement dans leurs villages «et non ailleurs».

Les gouvernants congolais viennent de démontrer qu’ils sont beaucoup plus sensibles aux souffrances d’autres peuples quà celles de leurs propres administrés. Rien d’étonnant donc que les habitants de Dongo réfugiés au Congo d’en face renâclent à regagner leurs patelins. En cause, une crise de confiance entre gouvernés et gouvernants.

Issa Djema