La police étant débordée par l’insurrection des jeunes Enyeles, l’armée intervient. Les casques bleus vont renforcer leur présence.

L’armée congolaise s’est heurtée, mardi et mercredi, aux insurgés de Dongo (Equateur, nord-ouest du pays), dans trois localités situées à une soixantaine de kilomètres de Gemena, chef-lieu du district du Sud-Ubangi qui est le théâtre des troubles. C’est ce qu’a rapporté vendredi l’Agence congolaise de presse (ACP, officielle), qui cite les services officiels de Gemena. Ceux-ci ne font toutefois état d’aucun bilan précis des victimes, indiquant que vingt des insurgés ont été arrêtés et du matériel militaire saisi. L’armée congolaise, appuyée par la Monuc (Mission de l’Onu au Congo) progresserait vers Dongo.

Ce village isolé, aux confins du Congo-Brazzaville et de la Centrafrique, a vu éclater fin octobre un conflit déjà vieux de plusieurs années entre diverses tribus locales pour la possession d’étangs poissonneux. Les Enyeles (appelés aussi Lobalas) ont attaqué aux armes blanches leurs voisins et les "non-originaires" de la région , faisant plusieurs morts, avant de tuer des policiers antiémeute envoyés à la rescousse.

La violence s’est alors répandue dans d’autres villages de la région, tandis qu’on signalait la présence de militaires à la tête des assaillants, en possession d’armes de guerre.

"Il faut bien comprendre que ce conflit touche tous les villages installés le long de la rivière Ubangi , explique à "La Libre Belgique", par téléphone, le ministre national de l’Intérieur, Célestin Mbuyu. Dans tous ces villages, les Enyeles ont attaqué les autres tribus."

Or, ajoute le ministre "nous sommes dans une région où il y a encore des dé mobilisés avec leurs armes et des anciens du MLC (Mouvement de libération du Congo, ancienne rébellion de Jean-Pierre Bemba, originaire de la région) qui n’ont pas été incorporés à l’armée nationale nouvelle", constituée à partir des divers groupes armés qui se sont fait la guerre au Congo.

Les assaillants disposent ainsi d’armes de guerre "et de celles qu’ils ont prises aux policiers tués", ajoute le ministre. "Ils ont également blessé des gens de la Monuc" qui allaient ravitailler leurs membres dans la région à bord d’hélicoptères.

La police étant visiblement débordée, l’envoi de l’armée sur place marque une nouvelle étape dans le conflit "récupéré par des politiciens en mal de positionnement politique", accuse M. Mbuyu, sans vouloir préciser qui il vise. "Ils se reconnaîtront."

En raison de l’isolement du Sud-Ubangi, région de marécages et de forêt équatoriale, de nombreux détails restent peu clairs pour l’instant. Ainsi, le ministre ignore si les assaillants enyeles occupent les villages qu’ils attaquent - et qui se vident souvent de leur population avant l’assaut (quelque 115 000 habitants de la région ont pris la fuite au Congo-Brazzaville ou dans la province) - ou se contentent d’avancer plus loin.

La population, quant à elle, refuse généralement de réintégrer ses pénates tant que ne sera pas neutralisé le féticheur du groupe armé, nommé Adjani ou Udjani, selon les versions.

Kinshasa a envoyé 1 000 policiers et 1 100 militaires dans la région, dont, depuis dimanche, selon Belga, les 600 hommes de l’unité d’élite du 321e bataillon commando, formé par la Belgique à Kindu et qui devraient être provisoirement basés à Gemena. La Monuc a également annoncé un renforcement de sa présence dans la région "pour décourager toute aventure".

Selon l’agence congolaise privée APA, la police de Gemena empêche la population de la ville de fuir. Le gouvernement de Kinshasa, indique de son côté l’ACP, a dénoncé "le terrorisme médiatique" infligé aux habitants de Gemena, expression désignant "les fausses rumeurs" annonçant la prochaine chute de la ville et qui sont "l’œuvre d’une certaine opposition non républicaine opérant depuis l’extérieur du pays dans le but manifeste de (le) déstabiliser".

Kinshasa vise apparemment le travail de propagande effectué sur Internet par des partisans de l’ex-conseiller spécial pour la sécurité de Mobutu, Honoré Ngbanda, et qui attribue à des "Patriotes-Résistants" l’insurrection des Enyeles. Les communiqués de ces "Patriotes-Résistants" sont, curieusement, repris régulièrement, sans commentaire, sur "UDPS Magazine" en ligne.

Pour l’instant, rien n’indique que les "Patriotes-Résistants" soient autre chose qu’une création virtuelle, sans réalité en dehors d’Internet et sans autorité sur les insurgés enyeles. Mais l’abandon dans lequel la région croupit depuis des années et la présence de soldats abandonnés à leur sort rend la situation particulièrement explosive. O.M/La Libre