En marge du soutien diplomatique et militaire : le gouvernement doit dévoiler son « Plan de sortie de crise »
L’Angola a accepté d’envoyer des renforts militaires en RDC, pour aider les FARDC et la MONUC à ramener la paix au Nord-Kivu. « Et après ? », s’interroge-t-on dans les salons politiques à Kinshasa, où l’on appréhende la fin du mandat de la MONUC annoncée – à moins d’une nouvelle prorogation - pour fin décembre prochain et le départ des soldats angolais, aussitôt leur mission accomplie.
Mais, tout ne doit pas s’arrêter à l’euphorie que suscite l’arrivée des troupes de la SADC. Le gouvernement a l’obligation morale et politique de dévoiler son « Plan de sortie de crise ». Maintenant.
L’heure est à la sortie de la crise. Quelle que soit la voie à emprunter, le souhait du peuple congolais est de mettre un terme à l’aventure dévastatrice et criminelle des ennemis de la paix.
C’est dans ce contexte que l’on a salué les différentes initiatives entreprises par les dirigeants congolais, les responsables de l’Onu, les dirigeants de l’Union européenne et africaine, sans oublier la SADC et la CEEAC. Initiatives émaillées de soutiens diplomatiques et de promesses d’appui militaire à l’action de la Monuc et des FARDC pour préserver la stabilité des institutions nationales et l’intégrité territoriale.
Toutefois, ces appuis n’auront de sens que si, au plan local, des actions concrètes sont menées, bien comprises et soutenues par toutes les institutions nationales afin d’éviter des contradictions internes.
En se rendant dans la partie Est du pays dès son entrée en fonction, pour se rendre compte des réalités du terrain, le Premier ministre Adolphe Muzito a posé là un geste hautement significatif. Un pas positif qui doit être absolument suivi d’effets.
CONVOQUER D’URGENCE UNE REUNION INTERINSTITUTIONNELLE
Après tous les périples effectués à l’intérieur et à l’extérieur du pays, les autorités congolaises doivent tirer rapidement des enseignements utiles et décider, de commun accord, d’un « Plan national de sortie de crise ». La tenue en urgence d’une réunion interinstitutionnelle permettra au Premier ministre de présenter, au nom du gouvernement, un «Plan de sortie de crise ». Enrichi et adopté par les autres chefs des institutions, ce « Plan » deviendra une « une affaire nationale » dont l’exécution et le suivi seront confiés au gouvernement.
Il est vrai que l’Assemblée nationale avait déjà préparé un « Plan de sortie de crise » transmis au président de la République, au secrétaire général de l’Onu, à la SADC ainsi qu’aux présidents de l’Union européenne et de l’Union africaine. Endossé par le Premier ministre, ce « plan » a cependant suscité quelques divergences qui doivent être aplanies lors de la réunion interinstitutionnelle.
Il convient également de tirer des leçons utiles des récents entretiens du président de la République avec le secrétaire général de l’Onu et ses homologues africains. Ainsi, la RDC pourra prendre des décisions d’intérêt général audacieuses.
Le mérite dans le « Plan de sortie de crise » réside dans la capacité des Congolais à s’assumer dans les domaines politique, diplomatique et militaire.
Politiquement, les Congolais ont l’obligation de parler le même langage, de regarder dans la même direction en vue de dénicher dans la bergerie les loups qui tirent profit de la guerre de l’Est. Par le dialogue, ils traceront ensemble une feuille de route, sans à priori ni compromission, privilégiant la paix et la concorde nationale.
Diplomatiquement, le moment est venu de sortir des sentiers battus, en disant aux pays voisins que la RDC veut la paix et refuse de s’immiscer dans les affaires d’un autre Etat souverain. En retour, elle attend de ses voisins le même traitement, la même considération.
Au plan militaire, la RDC doit se doter d’une armée puissante et dissuasive. Les Angolais, les Zambiens, les Nigérians, les Belges ou les Français auront beau venir appuyer les FARDC, mais tant que l’armée nationale ne sera pas restructurée et équipée, leur présence ne réglera pas la situation.
Par ailleurs, la décision de l’Onu d’augmenter ou de requalifier le mandat de la Monuc ne devrait pas intervenir avant le 15 décembre 2008. Que faire entre-temps ?
Le gouvernement doit considérer la réforme de l’armée comme une priorité, en présentant un « Plan d’urgence » tenant compte de l’adage selon lequel « Aides-toi et le ciel t’aidera ». Se contenter d’un Kivu dans une situation de « ni paix ni guerre », ce serait entretenir la spirale du « suicide collectif » passible de « haute trahison ».
La perte répétitive des localités tenues par les FARDC au profit des rebelles fidèles au général déchu Laurent Nkunda, positionnés présentement aux portes de la ville de Goma (Nord-Kivu), suscite bien d’interrogations sur les forces du CNDP.
En mai 2007, la Monuc a déclaré avoir rapatrié vers Kigali « une centaine de combattants rwandais, majoritairement tutsis, ayant déserté les rangs de l’ex-général Nkunda ». Ceux-ci, issus soit de la « garde personnelle » de Nkunda, soit des brigades mixées, « ont expliqué qu’ils avaient été recrutés dans différentes préfectures du Rwanda depuis début 2007, avec la promesse d’avoir un emploi civil au Congo », selon la porte-parole de la Monuc au Kivu.
« Une fois acheminés clandestinement en RDC, ils affirment avoir été conduits dans des camps d’entraînement de Laurent Nkunda d’où ils se sont échappés. D’après leurs témoignages, Nkunda continuerait à recruter parmi des démobilisés rwandais et congolais », a précisé Sylvie van den Wildenberg.
En même temps, des sources militaires occidentales citées par l’AFP ont indiqué que Nkunda a « fourni 7.000 hommes pour constituer les brigades mixées » qui, plus tard, s’en sont retirés.
« Il est évident que Nkunda a massivement recruté au Rwanda. Mais, il est aussi évident que toutes ces recrues n’ont pas pu être engagées à l’insu des autorités rwandaises, ce qui pose sérieusement la question de la position de Kigali par rapport aux risques de déstabilisation dans l’Est de la RDC », a relevé un observateur onusien cité par la même source.
Au demeurant, tous ces éléments devraient être pris en compte pour permettre au gouvernement de proposer un « Plan de sortie de crise » convaincant. Mieux, il offrira aux Congolais un cadre décent pour ne pas évoluer en ordre dispersé. Et qui plus est, faire de cette guerre réellement une « affaire nationale ». La victoire finale est à ce prix. Le Potentiel