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LOSAKO
24 mars 2009

Découpage du Nord-Kivu : attention au piège

Carte_20KivuLe processus de Nairobi III a pris fin. Il a été sanctionné par la signature d’un compromis de paix : « Accord de Ihussi », du nom de l’hôtel à Goma où s’est déroulée cette cérémonie importante. Un autre pas positif vers la paix vient d’être franchi, consacrant officiellement la fin de la « guerre du Nord-Kivu ». Mais signer un accord est une chose. Préserver les acquis de cet accord en est une autre. Quels sont les problèmes de fond qui ont été résolus ? Comment a été envisagée la cohabitation pacifique entre les différentes ethnies, sans susciter l’intervention des pays voisins, pour ne plus ressusciter les mêmes causes qui produisent les mêmes effets ? Interrogations pertinentes dans la mesure où dans la foulée des pistes de solutions, l’on propose le découpage territorial du Nord-Kivu. Attention au piège.

Raymond Tshibanda, ministre à la Coopération internationale et régional, Désiré Kamanzi, président national du Congrès national pour la démocratie et le développement, CNDP ; Général Olusegun Obasanjo, ancien président du Nigeria et Envoyé spécial du secrétaire général de l’ONU, chargé de la Facilitation internationale, ont procédé hier après-midi à Goma, à l’Hôtel Ihussi, à la signature de l’Accord de paix. Cet accord met un terme, officiellement, à la guerre du Nord-Kivu, formalisant ainsi le cessez-le - feu du 5 janvier 2009.

Prenant la parole en cette circonstance, Julien Paluku, gouverneur de la province du Nord-Kivu, s’est réjoui de la fin heureuse du processus de Nairobi III. Aussi, à partir de l’« Accord de Ihussi », du nom de l’hôtel où a été signé cet accord, les concepts   « groupe armé et rébellion armée » sont bannis. Désormais, il est question de la « lutte  politique ».

Il est important de rappeler qu’après la fin de l’opération   «Umoja Wetu», avec la participation des forces rwandaises aux côtés des FARDC, le processus Nairobi III avait repris à Goma. Dans un premier temps, les deux parties, Gouvernement et CNDP, étaient parvenues à un préaccord. Ce document avait été soumis à l’appréciation du Président de la République, Joseph Kabila Kabange, et le médiateur de l’ONU, Olusegun Obasanjo. Les questions prévues ont été débattues dans deux commissions : la Commission politique, sécuritaire, juridique et administrative. La seconde est la Commission sociale et humanitaire. La cérémonie d’hier lundi à Goma prouve que les deux parties sont parvenues à un accord.

610x8Attention au piège

Signer un accord, c’est bien : Préserver les acquis de cet accord, c’est mieux. Ce rappel important tient à rafraîchir la mémoire de toutes les personnes que « tout accord contient un piège ». Aussi, la question est celle de savoir la nature des «questions de fond» qui ont été discutées et les solutions trouvées pour éviter que les mêmes causes reproduisent les mêmes effets.

L’on se souviendra, dans une note interne remise à la MONUC, le CNDP formulé huit recommandations dans son cahier de charges. Il s’agit des négociations directes avec le gouvernement de Kinshasa, de la renégociation de tous les contrats chinois signés par le gouvernement congolais avec les entreprises chinoises, de la cessation de la coopération par le gouvernement, avec les FDLR, de la protection des minorités ethniques de la RDC, de l’intégration des combattants du CNDP dans les FARDC, de l’intégration au sein de l’administration, d’une promotion de la bonne gouvernance et du travail de Nkunda dans l’armée.

Lors de la cessation des hostilités le 5 janvier 2009, plusieurs de ces revendications soulevées à l’époque de Nkunda avaient trouvé progressivement solution. Allusion faite aux négociations directes, à la renégociation des contrats chinois, à la fin de la coopération avec les FDLR à travers l’opération «Umoja Wetu», l’intégration des combattants au sein des FARDC. Restaient la protection des minorités de la RDC, le cas Nkunda et la bonne gouvernance.

Toutefois, après le limogeage de Nkunda, Désiré Kamanzi a fait allusion à la Conférence nationale de réconciliation qui regrouperait toutes les ethnies. Apparemment, ce sont des questions qui ne posent pas problème. Les autorités de Kinshasa peuvent se faire violence dès lors que la paix a aussi un prix à payer. L’ouverture politique ou l’intégration au sein de l’administration peuvent être examinées attentivement sans donner lieu aux mêmes causes qui reproduiront les mêmes effets alors que la Constitution a résolu la question des minorités.

Mais voilà qu’au moment où ne négociait cet accord, des esprits fertiles ont élaboré un document comme « l’une des pistes de solutions à la situation qui prévaut au Kivu ». Cette piste de solutions préconise le découpage territorial de la province du Nord-Kivu pour créer une nouvelle province, sur base «sociologique». Un document daté du 2 décembre 2008 et qui aurait été certainement remis à la facilitation internationale pour le secrétaire général de l’ONU.

untitled74Les provinces du Grand Nord et Grand Sud

Selon cette proposition, il faudra, en définitive, lors du découpage territorial, envisager la création de deux provinces : Grand Nord qui regrouperait Beni et Butembo, et Grand Sud qui comprendrait les zones de Masisi, Rutshuru et Walikale.

Dans le premier cas, ce sont les personnes de l’ethnie nande qui y abriteraient, et dans le second, les Hunde, Hutu et Tusti. A en croire les auteurs de cette proposition, l’obsession de domination des ethnies autres que les minorités hutu-tusti serait à la base des conflits fonciers et ethniques. Pour mettre fin à cette rivalité, la solution passerait par la prise en compte de cet aspect sociologique qui aurait été négligé pendant la IIème République.

Mais d’autres analyses trouvent qu’il s’agit là d’un piège au regard des intérêts économiques dans la partie de Masisi, Rusthuru et Walikale qui recèle de beaucoup de minerais. Et toujours sur cette base sociologique, un rapprochement pourrait s’effectuer avec les pays voisins au risque de voir cette partie échapper au contrôle du pouvoir central et provincial de l’actuelle province du Nord-Kivu. Ce qui nous fait penser au « Plan Sud Soudan » de Museveni qui devrait aboutir à l’autonomie des provinces du Kivu et Orientale.

16661115_m1Réconciliation nationale

Tel est le danger qui se profile à l’horizon. Comme pour dire justement que l’on n’est pas encore totalement sorti de l’auberge.

Au fait, si Kinshasa doit se faire violence, il revient à d’autres parties, particulièrement à tous les ressortissants du Kivu d’en faire autant. Comment peut-on prôner la réconciliation nationale et s’appuyer sur des «  considérations sociologies » pour ne pas dire ethniques  pour réclamer le renforcement de la réconciliation nationale.

Aujourd’hui, les Congolais doivent avant se retrouver ou se réconcilier autour d’une même identité : Congolaise. Et non d’abord autour de l’ethnie avant de se dire congolais. C’est vouloir une chose et son contraire à la fois.

Et pourtant, les guerres du Kivu devraient tourner définitivement cette page de la montée en force de l’ethnicisme à la base des conflits armés, non pas seulement en RDC, mais dans toute l’ Afrique des Grands Lacs. La convivialité tant recherchée ne peut s’obtenir que dans la compénétration et non dans la ségrégation. Avec un pays qui compte plus de 450 ethnies, privilégier ce genre de découpage est un suicide collectif. Dire que la RDC devrait s’inspirer des Etats-Unis qui est une mosaïque de tribus. L’Amérique est une et indivisible. La RDC doit l’être.

Il est un fait que les différentes guerres en RDC ayant des enjeux économiques, ce sont les richesses du Kivu qui donnent cette inspiration de si mauvais goût, suscitent des convoitises. Au risque bien sûr de faire le lit de la balkanisation de la République démocratique du Congo.

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