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LOSAKO
15 février 2009

Au Congo, rencontre avec les rebelles hutu... FDLR " la France nous a trahis "

153050Dans la grande forêt congolaise où elles se sont repliées, on ne choisit pas de rencontrer les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR).

Dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC), les rebelles hutu décident, ou pas, de surgir devant les pas du visiteur. Au détour d'un chemin glissant à flanc de colline, envahi par les racines des arbres géants, à des heures de marche de Pinga, bourgade perdue à l'orée de la forêt, un groupe FDLR apparaît brusquement. Un homme caché derrière un tronc pointe son RPG. Un autre, 15 mètres à l'arrière, sort de la végétation en uniforme élimé des anciennes Forces rwandaises. Puis d'autres. Leur commandant est à la fois loquace et furieux, paniqué et agressif, avec des accès de familiarité. Il y a longtemps que ces guerriers perdus semblent avoir renoncé à se faire comprendre.

Le commandant s'en explique en ricanant : "Inutile de se fatiguer, le monde entier est contre nous." Avec leurs anoraks crasseux et leurs bottes boueuses, les mains crispées sur leurs armes, les rebelles des FDLR ont l'air d'avoir atteint le bout d'une guerre. Laquelle ? Plus personne, à commencer par eux, ne semble certain de le savoir. Cela fait quinze ans que les combattants hutu rwandais préparent depuis l'est de la République démocratique du Congo (RDC) leur retour par les armes dans leur pays. Voilà que leur allié, Kinshasa, les abandonne, et la perspective d'un retour au pays en vainqueurs s'éloigne un peu plus dans les brumes de la forêt.

Entre la RDC et les FDLR, le pacte de sang était simple. Pendant la seconde guerre régionale lancée par le Rwanda contre le Congo (1998-2202), les mercenaires hutus devaient combattre sous uniforme congolais.

soldats_fdlrEn échange, promesse était faite d'apporter toute l'aide nécessaire pour porter la guerre dans le futur au Rwanda. Mais les dernières tentatives d'incursion armée, comme l'opération "Oracle du Seigneur", en 2001, ont échoué.

Les FDLR, demeurés dans l'Est sont restés une menace potentielle pour le Rwanda mais aussi un prétexte pour mener, par rébellions tutsi interposées, une guerre au Congo où la maîtrise des exportations minières et le sort des populations tutsies se mêlent dans des calculs complexes. Les milices de l'ex-général tutsi congolais Laurent Nkunda, qui menaçait Goma, la capitale régionale, à la fin 2008, et s'était emballé au point de vouloir partir à la conquête de toute la RDC, avait pour revendication initiale la lutte contre les FDLR. Les rebelles hutus constituaient donc un point crucial de déstabilisation de l'est du Congo, alimentant le martyre de ses populations.

Cette situation s'est retournée. Le 20 janvier, les troupes rwandaises sont entrées en RDC avec l'accord du pouvoir congolais pour y attaquer leurs bases. Depuis, les FDLR qui évitent les combats frontaux s'enfoncent dans les forêts qu'ils ont eu le temps, en quinze ans, de connaître sur le bout des doigts. Le noyau originel de leurs membres était composé d'ex-soldats et de miliciens interahamwe, bras armés de l'extermination de plus de 800 000 personnes au Rwanda en 1994, des Tutsis pour une écrasante majorité, mais aussi des Hutus modérés. Les voilà à jamais marqués par un qualificatif qui vaut marque d'infamie : "génocidaires".

h_9_ill_930361_arp1443042"PETIT JARDIN"

A une question sur ses activités au Rwanda au moment où s'y accomplissait le crime des crimes, le commandant FDLR se raidit, et assène d'une voix étranglée :"Je ne suis pas un génocidaire. J'étais élève !". Il est âgé d'une bonne quarantaine d'années, mais l'ambiance n'est pas à la contradiction. Il dit aussi sa certitude "qu'au Rwanda, le génocide continue encore" (contre les Hutu). Pour preuve, il avance que "des membres de sa famille ont été arrêtés". Il refuse de dire dans quelle région. Avec chaque question, son exaspération croît.

Plus loin, en contrebas, devant un pont que ses hommes viennent de rendre impraticable pour couper l'unique route, un autre commandant aura les mêmes réactions, le même regard mauvais, et une question posée avec un sourire désagréable : "Et vous, au fait, pourquoi vous m'avez trahi ? Oui, la France nous a trahis. Le Rwanda sous le régime du président Juvénal Habyarimana était le petit jardin de la France. Maintenant, vous êtes les pires des traîtres." Puis, sous la menace de son arme, ils oblige les voyageurs à réparer le pont, à l'endommager à nouveau, avant de libérer ses visiteurs en menaçant : "Maintenant, ici, on détruit tout."

En recrutant des jeunes hutu n'ayant pas participé au génocide ou des responsables politiques n'ayant pas tué en 1994, les rebelles hutus ont créé les FDLR. Leurs chefs vivent en exil, en France ou en Allemagne. A toute question, ils renvoient à des communiqués rédigés en langue de bois, sur un site internet où, curieusement, figure une publicité pour des "vols pas chers pour Kigali" capitale du Rwanda. Leurs troupes, dans l'Est de la RDC, comptaient au début de l'opération en janvier de six à huit mille combattants, plus leurs familles, dispersés sur une longue bande courant le long de l'est du pays, du lac Tanganyika au lac Albert.

Les rebelles y sont devenus auto-suffisants, ayant mis la main sur des pans entiers de l'économie locale, de l'exploitation des mines, opérée conjointement avec des officiers congolais, jusque au commerce de détail. Certains habitent des agglomérations de brousse, rêveusement baptisées Kigali 1, ou Kigali 2, ou vivent dans une multitude de villages. D'autres mènent une existence de coupeurs de routes et d'écorcheurs, pillant et violant, comme les sinistres "rastas", plus au sud, célèbres pour leurs tenues de joueurs de basket américains et leur extrême violence.

untitled21"DES NÉGOCIATIONS"

Un certain nombre d'entre eux, au moins le tiers, souhaiterait abandonner à la fois les armes, la forêt, l'exil et l'étiquette de génocidaire en se rendant dans les centres de démobilisation ouverts par les Nations unies. Une perspective qui rend fous de rage les plus durs d'entre eux, comme le commandant des environs de Pinga, qui affirme vouloir "rester en brousse jusqu'à ce qu'il y ait des négociations (avec le Rwanda)." Le pouvoir rwandais n'en a aucunement l'intention, invitant les rebelles à abandonner sans condition la lutte. "Abandonner ?" Le commandant rit.

Il raconte comment, des années durant, il a combattu sur plusieurs fronts pour le compte du Congo, et il conclut : "Dans la forêt, personne ne peut nous attaquer sans perdre beaucoup, beaucoup d'hommes." Le Congo ne les lâche-il pas ? Le commandant se fâche. A présent, il veut s'en aller. Il refuse de dire son nom mais insiste pour communiquer son numéro de téléphone portable, alors que la forêt n'est couverte par aucun réseau. Puis il disparaît.

MASISI, WALIKALE ENVOYÉ SPÉCIAL
O.M/Jean-Philippe Rémy

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