Deux mille soldats rwandais sont entrés au Congo, avec l’accord de Kinshasa. Il s’agit de mettre en œuvre les accords entre les deux gouvernements pour désarmer de force les FDLR. Ces rebelles rwandais sont des alliés de Kinshasa.

Une nouvelle fois, des soldats rwandais ont passé mardi à l’aube la frontière congolaise et ont pénétré au Kivu. Mais cette fois, c’est "à l’invitation" de Kinshasa, a précisé le porte-parole du gouvernement congolais.

Il s’agit de mettre en œuvre l’accord de Nairobi (nov. 2007), pour désarmer par la force les rebelles hutus rwandais FDLR alliés à l’armée de Kinshasa (lire page suivante). Il était resté sans effet jusqu’ici mais avait été relancé le 5 décembre dernier à la suite de l’offensive victorieuse du rebelle tutsi congolais Laurent Nkunda - dont la neutralisation des FDLR est la principale revendication - et, sans doute, grâce au changement de gouvernement intervenu à Kinshasa.

De 1500 à 2000 soldats rwandais sont donc entrés au Congo, en même temps que des agents de renseignement de Kigali pour localiser les FDLR. La détermination de Kinshasa semble plus grande que d’habitude pour poursuivre ces derniers : dans un geste inhabituel, les FDLR ont tenu à affirmer mardi qu’elles n’avaient "pas peur", après que, la semaine dernière - oubliant sans doute qu’elles étaient un groupe armé - elles se soient affirmées "convaincues que le temps de l’usage de la force pour résoudre un pro blè me politique est révolu".

L’offensive en cours appelle quelques remarques. Il faut ainsi souligner qu’il a fallu du courage à Kinshasa pour s’y résoudre en raison de la grande impopularité des Rwandais au Congo.

Qui mène l’offensive ?

Il faut ensuite remarquer que la Monuc (Mission de l’Onu au Congo) est informée a posteriori de ce qui se passe et non associée à l’offensive; c’est curieux dans la mesure où elle devrait être sollicitée pour le transport des troupes congolaises (presque dépourvues de logistique) si ces dernières participent activement à l’offensive. Faut-il en déduire que Kigali se méfie d’elle, Paris ayant placé des Français à des postes clés de la mission onusienne ? Ou bien que, à l’image de l’offensive "conjointe ougando-soudano-congolaise" dans le Haut Uélé contre la rébellion ougandaise LRA, fin 2008, menée en réalité uniquement par l’Ouganda, cette offensive-ci sera essentiellement rwandaise ?

Par ailleurs, il faut souligner que ce sera loin d’être une partie de plaisir. Les FDLR sont de bons soldats et ils disposent de fortes complicités au sein de l’armée congolaise. Ils contrôlent de vastes portions de territoire au Kivu : un quart du Sud-Kivu - où ils ont donné des noms rwandais à des localités - et d’importantes zones peuplées de Hutus congolais au Nord-Kivu. Dans celles-ci, le risque n’est-il pas grand que l’armée rwandaise ne fasse pas le détail ? En outre, ils cultivent le camouflage en se présentant, selon les circonstances, comme combattants congolais de la milice Pareco (dont deux chefs hutus congolais viennent de déclarer un cessez-le-feu) ou comme FDLR

Le CNDP réuni ?

Enfin, cette offensive a permis au rebelle tutsi congolais Laurent Nkunda de montrer son pragmatisme - mais a-t-il le choix ? Il "n’empêchera pas" la neutralisation des FDLR : "Je comprends que c’est une opportunité qu’on ne peut pas rater", a dit le chef rebelle sur RFI. Mieux même : il en oublie ses dissensions avec le général dissident Bosco Ntaganda, qu’il dit "terminées. Il est revenu dans la chaîne de commandement et donc nous devons tous aller dans le même sens" - contre les FDLR. Seul le temps permettra de dire s’il s’agit d’abnégation - maintenir l’unité du mouvement rebelle CNDP à tout prix - ou d’adaptation aux circonstances - si son rival se révèle plus populaire auprès des combattants. O.M/La Libre