La délégation gouvernementale et des négociateurs du CNDP se retrouvent ce mercredi 17 décembre à Nairobi pour s’attaquer aux causes conjoncturelles et profondes de la guerre que Nkunda Laurent a imposée au Congo. Mais que peut encore donner Kinshasa au général rebelle qui ne soit déjà fait ? Nkunda, qui change de revendications comme une femme change des robes, n’est plus le chouchou des diplomates occidentaux qui semblent lui avoir tourné casaque.

Le vent tourne.

Il était le premier à claironner partout qu’il voulait des négociations directes avec le Gouvernement avant que ses armes ne cèdent à la raison. Laurent Nkunda, c’est de lui qu’il s’agit, a, sous une double pression militaire et diplomatique, obtenu que Kinshasa accepte de discuter avec ses hommes dans un pays neutre : le Kenya. Nkunda pourrait être aussi le premier à quitter la table des discussions. Les occidentaux, qui ont longtemps soutenu l’idée d’un règlement politique de la crise du Kivu, ont en même temps imposé des limites. Ce que le très bavard ministre français des Affaires Etrangères, Bernard Kouchner, avait appelé la ligne rouge à ne jamais franchir. Pas question de remettre en cause les institutions légitimes et légalement établies. Une autre façon de dire à Nkunda d’abandonner les revendications à caractère national, sa nouvelle trouvaille.

Le CNDP, on le sait ou on ne le sait pas, est passé, en un temps record, d’un mouvement à vocation identitaire, tribalo-ethnique, à un mouvement rebelle qui vise la prise du pouvoir d’Etat par les armes. Il ne faut pas être amnésique. A ses débuts, le CNDP s’érigeait en protecteur des Tutsi contre l’éternel ennemi FDLR/Hutu. Une transposition en RDC de l’antagonisme Tutsi- Hutu du Rwanda. Le départ de ses rebelles rwandais, dont la cruauté légendaire a traversé les océans, constituait, alors, la principale priorité du CNDP. Avec le temps, enivré par des conquêtes militaires, Nkunda a commencé à trouver sa veste de leader Tutsi trop étroite. Il veut se mettre, désormais, à l’échelon national. Sauf qu’il a et aura du mal à rallier les Congolais et la fameuse ‘‘communauté internationale’’ derrière lui. Pour plusieurs raisons. Les occidentaux, qui se cachent sous l’appellation ‘‘communauté internationale’’, sont ceux-là qui ont piloté le processus de démocratisation du Congo. Leur mainmise sur le Congo, au plan politique, militaire, économique et même social, n’a pas permis l’émergence d’une dynamique interne en faveur de la paix.

Autrement dit, c’est comme si les congolais peinent à s’approprier le processus. En dépit du fait que le schéma occidental sur le Congo est dans l’impasse, l’Onu et l’Union Européenne ne sont pas prêtes à revenir à la case de départ. Ce serait très honteux et ridicule pour les grands de ce monde d’accepter une telle éventualité. Ils l’ont fait savoir à Obasanjo, médiateur nigérian désigné par l’Onu, accepté par l’Union Africaine et par toutes les parties au dialogue. Olusegun Obasanjo a répercuté le message dans toute sa teneur à Laurent Nkunda. « Je n’ai pas reçu mandat d’étendre les négociations de Nairobi au niveau de la politique globale du Congo. On m’a seulement demandé d’aider à résoudre la question sécuritaire et humanitaire au Nord-Kivu. ».

Comme si cela n’avait pas suffi, ce doit être le cas au regard de la sainte colère piquée par Laurent Nkunda contre Obasanjo accusé de partialité en faveur du Gouvernement, Louis Michel s’est personnellement impliqué. Le Commissaire européen à l’Humanitaire et au Développement, a fait, la semaine dernière, Nairobi, Kigali, Goma, Jomba et Kinshasa. Louis Michel avait précisé que sa visite n’était pas que humanitaire, elle était éminemment politique. Le connaissant, Louis Michel doit avoir dit ce qu’il pense à Kagame, Nkunda et au Raïs.

Si Nkunda était battu sur le plan politique ?

S’il est vrai que Nkunda a des difficultés à défendre avec brio ce pourquoi il se bat, il sera évident qu’il va perdre le 2ème round de Nairobi, c’est-à-dire, la partie du dialogue réservée aux questions de fond. Il doit avoir senti l’échec venir. Sinon, il ne dénoncerait pas les ‘‘solutions à l’emporte-pièce des occidentaux’’. Nkunda, s’il était sûr de gagner à Nairobi, n’aurait pas envoyé ses hommes à Dakar convaincre Wade, l’homme du Sopi. Battu sur le plan politique, il ne restera plus à Nkunda que d’utiliser le seul langage qu’il comprend : la reprise des hostilités.

Mais les choses ont beaucoup changé depuis le cessez-le-feu au Nord-Kivu. Il y a eu ce rapport de l’Onu qui accable le Rwanda, pointe du doigt les responsabilités du CNDP dans le drame humanitaire du Kivu et, au passage, indexe Kinshasa. Ce rapport de l’Onu n’est pas le bienvenu pour le Président rwandais Paul Kagame dont les ennuis avec la justice française ne sont plus à démontrer. Le cas de Kagame ressemble de plus en plus à celui du Président soudanais Béchir. Celui-ci est poursuivi par la CPI, officiellement, pour des crimes commis par son armée au Darfour. Mais le Président français, Nicolas Sarkozy, avait proposé, en marge de l’Assemblée générale de l’Onu en septembre dernier, en échange de l’annulation du mandat d’arrêt contre Béchir, l’abandon par celui-ci de sa politique agressive et déstabilisatrice vis-à-vis de son voisin tchadien.

Depuis, il y a une accalmie au Tchad. Les rebelles tchadiens ne sont plus hyper actifs. Peut-être qu’il faudrait que Kagame se sente très menacé pour qu’il abandonne, à son tour, sa politique criminelle au Congo. Bien sûr qu’on n’en est pas encore là. Et les anglo-saxons ne sont pas prêts à lâcher Kagame à cause du génocide que son pays a connu. Tout comme on éprouverait du mal à condamner la politique cruelle d’Israël à l’égard des palestiniens. Le génocide, l’holocauste, qu’aucun homme épris de la liberté ne peut tolérer, ne doit pas constituer un fond de commerce.

Si Nkunda reprenait les hostilités ? Puisque ses revendications auront été vidées, alors, il deviendra plus aisé de justifier une action militaire, d’où qu’elle vienne, contre lui. C’est peut-être le commencement du début de la fin. La Prospérité