L’honorabilité des élus du PPRD: un fonds de commerce ?
Un député provincial se fait séquestrer par un homme d’affaires étranger à l’intérieur de son établissement. Ce député appelle au secours son ami député national qui accourt accompagné d’un autre député, et tous les deux se font aussi séquestrer. Ils sont maintenant trois « Honorables » à la merci de cet homme d’affaires étranger. Un ministre provincial, alerté par le même député provincial qui s’estimait en danger, s’amène également sur les lieux.
L’histoire est invraisemblable, trop rocambolesque pour être croyable. Et pourtant, l’affaire a été montée en épingle toute la semaine passée par plusieurs organes de presse de Kinshasa, en faisant la «Une» de leurs éditions successives. L’Assemblée nationale en a été tout autant émue qu’elle a constitué sans tarder une commission qui devait s’enquérir de cette situation, et faire rapport en plénière. La plupart des commentaires faits jusque-là à propos de cette affaire, semblaient en général à priori prendre fait et cause pour le député provincial séquestré et ceux qui sont allés à son secours. Le trait caractéristique de ces commentaires est que leurs auteurs trouvent « révoltant et inadmissible » qu’un étranger puisse se permettre de séquestrer un député et ses collègues qui sont allés à sa rescousse.
Il y a eu trop de chaleur et de passion qu’on s’est laissé emporter par un chauvinisme, sans chercher à creuser rationnellement les tenants et les aboutissants de cette affaire. Comment en était-on arrivé là? Des éléments justificatifs de la présence du député provincial à l’établissement de cet homme d’affaires étranger d’origine libanaise, ressemblent à des contes à dormir debout. On dit que ce député était en mission d’enquête en matière de pollution dans cet établissement, muni d’une autorisation du président de l’Assemblée provinciale de Kinshasa. Une enquête sur pareille matière de pollution est supposée être menée par une commission parlementaire mise sur pied par l’Assemblée provinciale, et composée de plus d’un membre. Etait-ce le cas pour la mission qu’effectuait le député provincial qui a été séquestré ?
Ce député et ses amis qui prétendent avoir été contraints de partager son sort sont tous du PPRD, parti leader de l’Alliance pour la majorité présidentielle. Selon certaines sources, le leadership du PPRD et celui de l’AMP, auraient eu peu après des éléments d’information qui leur permettaient de cerner objectivement la vérité dans cette histoire.
Des féodalités économiques et financières puissantes
Qu’un Libanais séquestre un député et ceux qui viennent à son secours c’est qu’il doit s’être tissé entre lui et eux des familiarités. Leur séquestration en est la preuve. La considération et l’estime ne sont pas nécessairement et automatiquement immanentes à la qualité officielle ; on les mérite par un comportement digne qui force l’admiration et le respect.
Quand on fait de l’honorabilité des élus un fonds de commerce qu’on brandit, il arrive des choses fâcheuses qui ne manquent d’éclabousser l’Etat et l’ensemble de ceux qui exercent le pouvoir dans un pays. C’est ce qui vient de se passer avec la séquestration de députés. Ayant eu les honneurs de la première page des journaux, l’affaire s’est répandue dans les cercles diplomatiques et à l’étranger, à tel point qu’elle a servi encore d’aune pour mesurer l’Etat de droit et la démocratie évoluant en RDC. Certains députés se sont dit scandalisés par cette affaire. Question : le plus grand scandale est-ce la séquestration d’un député ou le fait pour un député de se faire ridiculiser et humilier.
Les ressortissants asiatiques (Libanais, Pakistanais, Indiens, Chinois, Japonais, et d’autres) ne sont pas seulement en RDC. Ils sont éparpillés dans tous les pays de la planète. Mais en RDC plus qu’ailleurs, ils se comportent comme en territoire conquis ! Pourquoi en est-il ainsi seulement pour la RDC ? Ils se sont retrouvés comme par enchantement dans un pays où ceux qui sont censés personnifier l’autorité de l’Etat et les vertus supérieures dans les différents échelons hiérarchiques de l’exercice du pouvoir (Exécutif, Législatif, Judiciaire) ne sont pas embarrassés de se faire leurs vassaux.
Ils jouissent de passe-droits dans la gestion de leurs affaires. Ils ont des agents de l’ordre comme gardes du corps ou gardiens/postés devant leurs magasins et résidences. Ils ont des numéros de téléphone secrets de certaines autorités haut placées à qui ils téléphonent facilement pour obtenir leur intervention en cas d’ennuis quelconque. Ils sont disposés à les dépanner à tout moment lorsqu’ils sont gênés aux entournures. Ces étrangers sont devenus de féodalités économiques et financières puissantes qui ressemblent à un Etat dans l’Etat en RDC.
Les députés ont été troublés à cause de la séquestration de leurs collègues par un homme d’affaire libanais bien identifié. Il se passe dans ce pays des choses pires que cette séquestration des députés. C’est la valeur même des institutions et la considération de leurs animateurs qui sont remises en question et bafouées.
L’expulsion massive des milliers de Congolais d’Angola et d’Afrique du Sud, est-elle moins importante que la séquestration de leurs collègues par un Libanais ? On évalue à 22.230 (vingt-deux mille deux centre trente) personnes refoulées d’Angola, dont 20.336 hommes ; 1.267 femmes ; 316 garçons ; 311 filles, concentrés à Kahungula et Tembo dans le territoire de Kahemba à 95 km de la frontière. Et c’est la Monuc qui a donné toutes ces précisions ! Le même phénomène est enregistré au Kasaï et au Katanga. Que fait l’Etat congolais pour défendre ses ressortissants persécutés dans les deux pays avec lesquels Kinshasa prétend vivre en très bons termes exceptionnels ?