Les massacres du Bas-Congo : Ne Mwanda Nsemi décidé à saisir la CPI
Au cours d’un point qu’il a tenu samedi 5 avril à Kinshasa, le député national Ne Muanda Nsemi, leader du mouvement politico-religieux Bundu dia Kongo (BDK), a annoncé sa décision de saisir la Cour pénale internationale (CPI) contre «le massacre des populations du Bas-Congo de 2002 à 2008».
Ne Muanda Nsemi a créé l’événement samedi
5 avril. Ses accusations sont embarrassantes pour le gouvernement
congolais duquel relèvent, du moins en théorie, les forces armées et la
police, aux termes de l’alinéa 3 de l’article 91 de la Constitution.
«Malgré les résolutions de l’Assemblée nationale de samedi 29 mars,
a-t-il martelé, l’armée nationale continue ses massacres dans les
secteurs de Kimbanza, de Kenge et de Munguluwala à Luozi.». Et
d’ajouter : «On parle déjà de la découverte de cinq fosses communes et
des centaines de cadavres jetés dans le fleuve. Mettez-vous à place du
peuple Kongo !». Sur la même lancée, le leader du BDK a stigmatisé
l’indolence du gouvernement l’accusant «de ne rien faire pour punir les
coupables de ces massacres». L’homme de s’interroger : «Tout ceci ne
suffit-il pas pour parler de massacres, de génocide, de crime contre
l’humanité ?». Cette sortie médiatique tonitruante du leader du
mouvement politico-religieux Bundu Dia Kongo a suscité, comme il se
devait, des réactions contrastées tant dans le monde politique qu’au
sein de la société civile.
Démarche sans fondement
Mis
en cause, le gouvernement du Premier ministre Antoine Gizenga est resté
silencieux comme une carpe. Les mauvaises habitudes ont décidément la
peau dure. Contre toute attente, la première salve a été tirée par la
coalition partisane qui soutient Joseph Kabila. Pour Koyagialo Gbase te
Ngerengbo, secrétaire exécutif adjoint de l’AMP (Alliance de la
majorité présidentielle), cité par la radio onusienne Okapi, «la
démarche envisagée par Ne Muanda Nsemi est dénuée de tout fondement.»
Au motif que cette juridiction internationale «n’agit que lorsque les
instances judiciaires nationales ne font rien ». A en croire Koyagialo
qui s’érige en défenseur du gouvernement, «les instances judiciaires
congolaises sont saisies, les magistrats au niveau du Bas Congo sont en
action. Le gouvernement n’est pas le pouvoir judiciaire.». «Il y a
certes des recommandations qui sont formulées à l’endroit du
gouvernement, mais pas dans le sens des poursuites judiciaires. La
question relève plutôt de la responsabilité du pouvoir judiciaire qui
doit mener les enquêtes afin de poursuivre les coupables dans l’affaire
Bundu dia Kongo». L’intervention de l’AMP a fait bondir un opposant
politique que la rédaction de Congoindependant.com a pu joindre
dimanche soir au téléphone à Kinshasa : «De quoi se mêle l’AMP ?
Devrait-on considérer que le groupe des partis qui gravite autour du
PPRD se substitue désormais au gouvernement ?»
Chasse à l’homme
Prenant
le contre-pieds du secrétaire exécutif adjoint de l’AMP, le secrétaire
exécutif du Reprodhoc, Pamphile Mbuangi, semble confirmer les dires de
Ne Muanda Nsemi en faisant état, à son tour, de «la poursuite des
massacres de population». Selon lui, «les policiers diligentés par le
gouvernement continuent à pourchasser ceux qui sont supposés être les
adeptes de BDK.» Pour Mbuangi, «aujourd’hui quand on dit adeptes du
BDK, il ne s’agit pas nécessairement des fidèles de Ne Muanda Nsemi,
tous les aigris politiques, socio-économiques ont gonflé ces rangs-là».
Dans les milieux «Ne Kongo» de la diaspora congolaise de Belgique, la
volonté exprimée par le chef politico-spirituel de BDK est accueillie
avec satisfaction. «C’est une très bonne chose», estime le
colonel-médecin ex-Faz, Daniel Lusadusu Nkiambi. «Cette prise de
position, ajoute-t-il, va dans le sens du mémorandum que nous avons
transmis aux autorités de l’Union européenne à l’issue de notre
manifestation du vendredi 28 mars». Un exemplaire de ce document a été
déposé à l’ambassade de la RD Congo à Bruxelles. Notons que certaines
voix se sont élevées pour reprocher aux «Ne Kongo» de «Kongoliser» la
répression au Bas-Congo. «Il s’agit d’un cas flagrant de violation des
droits humains qui concerne tous les Congolais et non uniquement les
membres de l’ethnie Kongo», fulmine-t-on.
Recevabilité
La
plainte de BDK devant la CPI pourrait-elle être recevable ? Voici un
florilège d’avis. «La Cour pénale internationale est une juridiction
subsidiaire, commente un juriste congolais qui a requis l’anonymat.
Elle n’intervient que lorsque les juridictions nationales ne peuvent
statuer ou se révèlent défaillantes.» Pour l’avocat Paul-Gaspard
Ngondankoy Nkoy ea Loongya, «la CPI est compétente pour connaissance
les infractions de crimes contre l’humanité, de crimes de guerre et de
génocide». Selon lui, cette juridiction n’est pas qualifiée pour
statuer sur une affaire de «massacre» à moins que l’accusation
administre des preuves de l’intention d’éliminer une «population
déterminée que le gouvernement est censé protéger». Pour ce juriste, il
n’est pas exclu que le procureur général près la Cour pénale
internationale diligente néanmoins une information judiciaire afin de
pouvoir qualifier les faits. Et de conclure que le chef d’inculpation
de «crime contre l’humanité» ne pourrait être retenu qu’à deux
conditions, «à savoir l’existence avérée d’un massacre ainsi que la
volonté de la force publique d’exterminer une population en raison de
leur appartenance à une ethnie donnée». Opposant politique et médecin
de son état, Tharcisse Loseke Nembalemba estime que le BDK « doit
épuiser la procédure devant les juridictions congolaises avant de
saisir la CPI.» La justice congolaise pourrait-elle statuer en toute
sérénité ? «Il faut mettre la justice congolaise à l’épreuve»,
rétorque-t-il. Un avis que soutient également Jean-Pierre Samba,
président du MRN (Mouvement de révolution des mentalités), un parti de
la diaspora. On a appris dimanche soir qu’un groupe de juristes
congolais aurait rassemblé des preuves pouvant lui permettre d’intenter
une action judiciaire, devant les juridictions belges, à l’encontre
d’un officier de police ayant participé aux atrocités dans la province
du Bas-Congo. Celui-ci serait porteur de la citoyenneté belge…
B. Amba Wetshi