Le succès du cessez-le-feu au Kivu repose sur le Rwanda
"La France n'est pas assez présente dans ce pays." Tel est le constat
dressé par Bernard Kouchner, vendredi 25 janvier, au premier jour de sa
visite en République démocratique du Congo (RDC, l'ex-Zaïre), un pays
francophone de la taille d'un continent. A l'issue d'une rencontre en
milieu d'après-midi avec chef de l'Etat congolais, Joseph Kabila, le
ministre des affaires étrangères a indiqué que la France envisageait
d'augmenter son aide financière. Paris propose également d'aider à
restructurer l'armée congolaise - accusée des pires maux par la
population civile - et à former des cadres pour l'administration.
Cette visite a pris un relief inattendu avec la signature,
l'avant-veille, d'un cessez-le-feu avec des rebelles dans la province
du Nord-Kivu. Celui-ci laisse espérer la fin d'un conflit qui plonge
ses racines dans le génocide de 1994 au Rwanda et qui a fait des
centaines de milliers de morts. Le respect de "l'acte d'engagement"
signé mercredi à Goma, la capitale du Nord-Kivu, repose en grande
partie sur un rebelle congolais d'origine tutsie, le général Laurent
Nkunda, qui dit vouloir débarrasser la région des Hutus rwandais
"génocidaires" qui y ont trouvé refuge il y a plus de dix ans. Ceux-ci,
regroupés au sein d'un mouvement, les Forces démocratiques pour la
libération du Rwanda (FDLR), n'étaient pas invités aux négociations de
Goma.
ENTRETIENS À KIGALI
Rien ne dit que Laurent Nkunda respectera le texte signé (sous pression
américaine) par ses représentants. D'autant que son sort personnel
n'est pas tranché. L'accord de Goma prévoit le vote par le Parlement
congolais d'une loi d'amnistie pour les auteurs de "faits de guerre" et
"insurrectionnels". Mais le général rebelle est aussi poursuivi par
Kinshasa pour "crimes contre l'humanité" et "génocide", exclus de
l'amnistie.
Le sort des "génocidaires" des FDLR est l'autre point d'interrogation.
Leur retour au Rwanda est au coeur de l'accord de Goma. Mais comment
les pousser à franchir la frontière - ce que l'ensemble de la
population du Kivu souhaite - alors que certains d'entre eux sont
recherchés par la justice rwandaise ? La réponse à ces deux questions
se trouve à Kigali. Le régime rwandais est sans aucun doute le seul à
même de pouvoir faire pression sur son allié, le général Nkunda, pour
l'amener à se retirer du jeu. C'est aussi le seul qui peut garantir aux
réfugiés hutus candidats au retour qu'ils ne souffriront pas d'une
justice expéditive.
Ces problèmes seront abordés par Bernard Kouchner qui, après quelques
heures à Goma, se rendra samedi en fin d'après-midi à Kigali pour
s'entretenir avec le président Paul Kagamé. L'autre thème de la
discussion sera le rétablissement des relations diplomatiques entre la
France et le Rwanda, rompues depuis novembre 2006.