Onatra, Sncc, Rva : les cobayes d’une vieille thérapie
Une grande publicité est orchestrée,
au niveau du gouvernement, autour des merveilles du partenariat
Etat-privé, que l’on présente comme la thérapie de choc destinée à
sauver les entreprises publiques congolaises. S’il est vrai que la
recette produit des effets miraculeux sous d’autres cieux, notamment
occidentaux, son efficacité n’est pas évidente en République
Démocratique du Congo. Notre pays appartient en effet à une « planète »
où les principes économiques mondialement reconnus connaissent souvent
leurs limites.
On se souvient à ce propos des échecs à répétition
des politiques d’ajustement structurel des institutions de Bretton Wood
sous le régime Mobutu. Présentement, la RDC peine à remplir son contrat
pour parvenir au point d’achèvement de l’initiative PPTE (Pays Pauvres
Très Endettés), alors que plusieurs Etats du Tiers Monde peu gâtés en
ressources naturelles et humaines ont déjà satisfait au test.
Onatra, Office des Routes, Gecamines, SNCC : fâcheux précédents
A la sortie de la toute récente liste de nouveaux mandataires de
l’Etat, il a été souligné que les postes d’Administrateur Délégué
Général et d’Administrateur Directeur Technique restent vacants à
l’Office National des Transports (Onatra), la Société Nationale des
Chemins de Fer du Congo (SNCC) et à la Régie des Voies Aériennes (RVA),
au motif que ces entreprises publiques devraient être restructurées à
brève échéance. Il est question d’ouvrir leurs capitaux à des
partenaires privés étrangers, grâce à des montages financiers
annonciateurs de lendemains enchanteurs pour leurs outils de production
et leur trésorerie.
La recette est pourtant loin de passer pour une
nouveauté aux yeux des observateurs et des rescapés de ces sociétés qui
ont encore frais dans leurs mémoires les issues douloureuses de ce
genre de partenariat. Au départ, l’on avait eu l’impression, à l’Onatra
avec Paelinck, à l’Office des Routes avec Jean Baudouin, à la Gecamines
et la SNCC avec la triste expérience de Selemani Mwana Yile et
Sizarail, que les choses allaient comme sur des roulettes.
Apparemment, les crédits apportés par des bailleurs de fond belges,
français, allemands et autres sud-africains semblaient avoir remis à
flots ces « canards boiteux » du Portefeuille. C’est quand les charges
d’exploitation se sont accumulées, au point que la rémunération des
mandataires expatriés ainsi que leurs avantages sociaux commençaient à
pomper plus de la moitié de la masse salariale que pailles et poutres
qui obstruaient la vue des Congolais s’étaient mises à tomber.
Au
bout du compte, des remous sociaux s’étaient mis à secouer des
entreprises publiques conduites lentement mais sûrement vers la
faillite par les managers expatriés qui étaient censés les sortir du
tunnel. Leurs successeurs congolais, mus par le souci de se servir
plutôt que de servir, conformément à la culture managériale en vogue
dans les années ’70, ‘80 et ’90, ne s’étaient pas fait prier deux fois
pour achever les entreprises comateuses héritées du partenariat Etat
–privé.
Qu’est-ce qui a changé ?
De millions de
Congolais se posent la question de savoir ce qui a changé chez les
décideurs politiques congolais pour garantir à la communauté nationale
des expériences positives de gestion Etat-privé dans des entreprises du
Portefeuille. Ne va-t-on pas revivre à l’Onatra, à la RVA et à la SNCC
le scénario des capitaux invisibles que des investisseurs énoncent en
millions de dollars, dans des coffres de banques aux adresses et
enseignes difficilement contrôlables ? Ne va-t-on pas avoir de nouveau
affaire à des PDG et ADT expatriés gagnant des salaires dix fois plus
élevés que ceux de leurs collègues congolais, rentrant en vacances chez
eux tous les trois mois, avec femmes, enfants, domestiques, chiens et
chats, aux frais du trésor public congolais ?
Les travailleurs
congolais ont peur de revoir au sein de leurs sociétés des managers
étrangers dont les rémunérations absorberaient l’essentiel des recettes
d’exploitation, privant du coup celles-ci des moyens de motivation du
personnel, facteur pourtant déterminant dans la chaîne de production
des biens et services, de maintenance et de renouvellement de l’outil
de travail.
Pourquoi l’Onatra et la RVA ?
Sur les trois
entreprises publiques à soumettre au régime du partenariat Etat-privé,
deux d’entre elles, à savoir l’Onatra et la RVA, donnent la nette
impression de posséder les atouts nécessaires à leur relance, sans
l’immixtion d’étrangers dans leur gestion quotidienne. Il leur faut, à
la rigueur, des capitaux frais qu’en principe, l’Etat congolais devrait
disposer dans le volet budgétaire réservé aux investissements.
D’aucuns voient un grand danger dans la privatisation de leur gestion,
du fait que leurs recettes risquent d’être bradées par des pilleurs en
cravates sous couvert d’investisseurs dont on sait, par expérience,
qu’ils se présentent souvent en RDC avec des poches trouées à
l’arrivée, avant de repartir, au bout de quelques années, avec des
mallettes pleines de billets verts.
L’Onatra et la RVA ne
paraissent pas si malades pour mériter une cure de jouvence de la part
d’investisseurs dont rien ne garantit la transparence et le sérieux. A
cause du partenariat Etat-privé, l’Office des Mines d’Or de Kilo-Moto,
la Gécamines, la Miba et tant d’autres entreprises publiques
congolaises se trouvent dans des situations financières
catastrophiques. Leurs partenaires étaient venus les mains vides,
avaient ramassé de l’or, du cuivre et du diamant puis ont disparu sur
la pointe de pieds, les laissant au bord de la faillite non déclarée.
De l’avis de certains compatriotes, des expériences de partenariat Etat-privé devraient viser en priorité des entreprises publiques susceptibles d’être sauvées moyennant des participations financières étrangères, telles les Lignes Aériennes Congolaises, la Compagnie Maritime du Congo, la Gécamines et l’Office des Mines d’or de Kilo –Moto dans leur état actuel, la Sidérurgie de Maluku, etc. Qu’une telle pilule ait choisi des entreprises publiques potentiellement viables, parait suspect.