Le loup rwandais et l'agneau congolais: La raison du plus fort est toujours la meilleure... Des concessions humiliantes en vue !
De très sérieux doutes subsistent encore quant à la réussite de la
Conférence sur la paix, la sécurité et le développement dans les
provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu. Déjà, l’Ordonnance n°07/075 du
20 décembre 2007 portant sa convocation a été revue oralement par
l’abbé Malu-Malu, l’organisateur, 6 jours seulement après sa signature
par le président de la République et le premier ministre. La Conférence
a été repoussée au 6 janvier, traduisant de nombreuses lacunes qui se
présentent déjà à son organisation.
Convoquée par le président de la République à l’initiative des USA
après son absence de la Conférence d’Addis Abeba, cette conférence
n’est autre que la dilution de l’échec de l’option militaire tentée par
le Gouvernement pour mettre fin à la campagne meurtrière du général
réfractaire Laurent Nkunda qui sème, depuis le début de l’année, la
désolation dans cette partie du pays.
L’armée avait lancé, mi-novembre, au feu vert tardif d’ailleurs du chef
de l’Etat Joseph Kabila une vaste offensive contre les troupes du
général insurgé mais a buté contre sa propre désorganisation. On se
rappelle même le langage de fermeté usé contre les éléments ralliés au
général renégat par le ministre de la Défense qui promettait de traquer
Nkunda, le criminel jusqu’à ses derniers retranchements. Tshikez Diemu
se fiait probablement à l’équipement militaire dont le Gouvernement
s’était acquis et aux ressources financières disponibilisées pour payer
les soldes des combattants.
Finalement, les FARDC avaient battu en retraite, laissant derrière
elles des morts mais aussi du matériel militaire de très haute facture.
On n’a jamais publié les conclusions d’une évaluation de cette débâcle.
A vrai dire, la convocation de la conférence n’est en outre qu’une
réponse à l’exigence des négociations imposée par Nkunda Mihigo après
avoir infligé un sérieux revers aux FARDC.
Lors d’un point de presse mercredi 26 décembre, le professeur Z’Ahidi
Arthur Ngoma a estimé que la conférence était sans objet et ne pouvait
produire les effets escomptés par le peuple congolais, dès lors que
Nkunda demeure le maître des lieux. ‘‘Elle est convoquée dans les
conditions decapitulation’’, a déclaré l’ancien vice-président pour
qui, le gouvernement devrait au préalable ‘‘mettre fin aux aventures de
Nkunda’’. ’’C’est une insulte à l’intelligence congolaise. La
République va négocier à genou dans un territoire où Nkunda est le
maître des lieux et peut arrêter à tout moment tous les participants’’,
a-t-il indiqué. ‘‘La paix dans les Kivu est «un impératif
catégorique’’.
Comme sur l’Utenika 2
Mais dans quelle position se présentera le pouvoir en place à ces
négociations face à un Nkunda, requinqué par ses victoires et de
l’acquisition des armes et véhicules lourds ? Le gouvernement part en
position de faiblesse. Toutes ses promesses vis-à-vis de la population
du Kivu n’ont pas été tenues. Il suffit de se rappeler de la série des
conférences données à la rentrée, à Kinshasa, à Goma et à Sake par
Joseph Kabila pour se rendre compte de l’attente différée de ces
populations.
Aujourd’hui, Nkunda mène les enchères. Il avait déjà placé la barre
très haute avec ses revendications. Fort de sa position, il appelle à
un cessez-le-feu unilatéral, faute d’une initiative venant du
gouvernement qu’il regrette d’ailleurs. ‘‘Dans la perspective de la
tenue annoncée d’une conférence sur la paix, la sécurité et le
développement des provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, le CNDP
soutient l’exigence exprimée par le Département d’Etat américain au
terme de laquelle les parties en conflit (...) doivent observer un
cessez-le-feu afin de permettre le déroulement des travaux dans un
environnement sécurisé’’, a indiqué un communiqué du CNDP, (mouvement
politico-militaire du général déchu Nkunda) parvenu à notre rédaction.
L’idée du cessez-le-feu viendrait en effet des Etats-Unis, selon un
communiqué publié par l’ambassade de cette puissance qui ne voile plus
ses prises de position dans le conflit en RDC : ‘‘Les Etats-Unis
recommandent vivement au gouvernement congolais ainsi qu’à tous les
groupes armés de décréter immédiatement un cessez-le-feu
inconditionnel’’ afin de ‘‘permettre à toutes les parties de participer
plus efficacement à la conférence sur la paix’’.
Le voyage de Kabila sur Goma s’apparente à celui effectué voici 10 ans
par Mobutu sur l’Utenika 2, le navire de la marine sud-africaine qui
mouillait au large de Pointe-noire en République du Congo.
Accablé de toute part sous la pression militaire de l’AFDL, Mobutu
n’avait de choix que les revendications de ses ennemis. On s’attend à
des concessions révoltantes.
Une organisation bâclée
Organisée dans la précipitation, la Conférence fait l’objet d’une volée
de bois verts. C’est la Société civile des deux provinces concernées
qui a dénoncé ‘‘la précipitation’’ avec laquelle elle a été convoquée,
et où certains préalables pour ‘‘la bonne tenue de ce dialogue
n’avaient pas été respectés par le gouvernement’’. La Société civile du
Nord-Kivu a même retiré son crédit et sa participation à ces assises.
Le ministre de l’Intérieur les dissuade en usant de la corde sensible
de la misère des réfugiés. La Société civile du Kivu indique avoir pris
cette décision en âme et conscience.
L’opinion a pris le relais pour s’interroger sur le nombre important de
participants (500) qui doivent y siéger à charge du trésor public,
craignant l’apparition des dissonances et de cacophonie dans une
rencontre qui aurait toutes ses chances de réussite avec seulement
quelques notables et chefs de groupes armés du Kivu. Ces derniers
traduiraient mieux les desiderata de leurs communautés respectives
après consultation.
Les observateurs ont été effarouchés mardi 25 décembre à l’aéroport
international de N’djili par l’acharnement des députés du Kivu à
vouloir à tout prix se retrouver à Goma, même ceux qui ne figuraient
pas sur la liste. Ils ont menacé de clouer l’avion au sol tant qu’ils
ne feraient pas partie du voyage.
Ce que l’opinion ne comprend pas, c’est qu’ils ont la plus grande
tribune et la plus officielle, l’Assemblée nationale qui détient
d’ailleurs un pouvoir pour traiter une affaire de cette envergure.
Pourquoi ne l’ont-ils jamais utilisé pour prévaloir de leur. Pourquoi
ces députés prennent d’assaut les avions et déplacent hâtivement le
centre d’intérêt à Goma ? ‘‘C’est toujours la course au per diem’’,
ironisait avec un brin de sérieux un journaliste sur place à N’djili.
La presse dénonce également la sélection arbitraire de certains médias
sans pignon sur rue et qui ne se sont jamais intéressé au problème du
Kivu au détriment de ceux qui ont suivi et analysé sans complaisance
cette actualité. ‘‘Il fallait s’y attendre’’, a ajouté un autre
confrère.
Quant à la préparation du dialogue, faite par l’abbé Malu-Malu, nulle
part on retrouve les émissaires de Nkunda, qui a exigé ces
négociations. Le CNDP n’aurait pas été officiellement invité jusqu’à ce
que nous mettions sous presse cette édition. Mais il promet sa
participation ‘‘si il y est invité’’.
Tout a été mis en place avec des Kivutiens résidents à Kinshasa qui
sont allés remettre les conclusions des travaux préparatoires au
président Kabila, le mardi 18 décembre dernier. Le problème de l’ordre
du jour se pose désormais.
Les revendications outrecuidantes de Nkunda risquent de bloquer les
débats. Selon l’Ordonnance du 20 décembre, en son article 2, ‘‘La
conférence à pour objet de réfléchir et de faire des propositions au
gouvernement de la République sur les voies et moyens de jeter les
bases d’une paix durable et d’un développement intégral dans les
provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu’’.
Losako/Le Révélateur