Rd Congo : la fin d’un rêve de grandeur
Au lendemain du lancement des travaux
préparatoires de la conférence sur la paix, la sécurité et le
développement dans les Kivu, le président de l’Assemblée Nationale,
Vital Kamerhe, s’est de nouveau précipité, sans crier gare, à l’Est du
pays. Un geste qui démontre combien la situation est à l’urgence et à
quel point les événements tendent à se rebeller.
Il faut,
aujourd’hui encore plus qu’hier, parer au plus pressé. Mais que
s’est-il donc passé pour que le pays tout entier perde la boule, que la
doctrine autant que la sémantique jouent subitement au yo-yo ?
Dans
sa livraison n° 3230 datée du 18 décembre, tout en rendant compte de la
volonté des officiels congolais d’aller à la paix par le biais d’une
conférence sur les Kivu, Le Phare avouait sa perplexité et se posait
plusieurs questions de fond. Pourquoi toujours cette partie du
territoire national ? Les protagonistes autant que les tireurs de
ficelles nous disent-ils la vérité, selon la question d’un ancien
Premier ministre, Nsinga Udjuu Ungwankebi Untube, du haut de la tribune
de l’Assemblée Nationale ? Enfin, qui va participer à cette conférence
et pour quel rôle précis ?
En réalité, toutes ces questions se
résument en une seule : la RD Congo a-t-elle encore une existence comme
Etat, Nation et peuple ?
Une question cruelle, soulevée par une
foule d’interrogations qui hantent les Congolais depuis bientôt une
semaine : que s’est-il réellement passé à Mushake ? Comment plus de 20
milles hommes de troupes ont-ils pu perdre ce précieux verrou et
imposer à tout un pays une si cruelle humiliation ? Enfin, la RDC
avait-elle les moyens d’une approche qui eut pu faire la différence ?
Le soutien du Rwanda n’explique pas tout. Il est d’ailleurs
symptomatique qu’aucun officiel ne se soit aventuré sur ce terrain.
Comme si tout le monde découvrait soudainement que le mal était
ailleurs, connu, assumé.
Un contexte difficile
Les
Congolais, pour leur part, posent des questions et attendent des
explications. Ce n’est pas un simple fait du hasard si la marche
victorieuse des FARDC à Mushake a coïncidé avec le sommet d’Addis-Abeba
et le discours à la Nation de Joseph Kabila Kabange. Ce n’est pas non
plus un fait du hasard si la conférence sur la paix, la sécurité et le
développement dans les Kivu est convoquée au lendemain de la reprise de
Mushake par les insurgés. Enfin, ce n’est pas un fait du hasard si,
après l’installation d’une mission diplomatique permanente américaine à
Goma, le Rwanda qui exprime des prétentions territoriales, l’Ouganda,
le Burundi, l’Afrique du Sud, l’ONU, l’Union Africaine, l’Union
Européenne et les Etats-Unis accourent dans la capitale du Nord-Kivu,
invités à titre d’observateurs. Seulement, ou pour un autre rôle plus
précis ? Seulement, ou pour voir la capitale du Nord-Kivu atteindre le
point d’achèvement du processus de particularisation des provinces du
Kivu ?
Dans sa livraison N° 3201 datée du 06 novembre, Le Phare
évoquait, à la suite de certaines indiscrétions de la presse
internationale, un schéma qui fait désormais peur : exil pour le
général dissident, une force mixte d’intervention rapide contre les
Fdlr ainsi qu’une présence diplomatique américaine permanente à Goma.
Le 06 décembre, la Secrétaire d’Etat américaine, Condoleezza Rice,
organisait un sommet sur les Grands Lacs africains à Addis-Abeba. Alors
que Paul Kagame, Yoweri Museveni et JP Nkurunziza s’y précipitaient, le
Président congolais s’y faisait représenter par son ministre d’Etat en
charge de l’Intérieur. Officiellement, Joseph Kabila Kabange avait
l’excuse de l’important message à la Nation qu’il devait adresser au
peuple par le biais des deux chambres réunies en congrès.
Officieusement, la posture avait été saluée au plan protocolaire pour
un sommet qui devait être présidé par un ministre des Affaires
Etrangères, quand bien même il s’agissait de Condoleezza Rice en
personne.
Il restait, évidemment, à savoir si être représenté par
un ministre conférait automatiquement à un Chef d’Etat absent les mêmes
privilèges que ses pairs. De Nairobi à Addis-Abeba, la question s’est
ainsi posée de savoir si la diplomatie congolaise a été à la hauteur de
sa tâche. N’a-t-elle pas, une fois de trop, donné l’occasion à
Washington de relancer l’arlésienne d’un déficit de leadership en RDC,
tout en proposant de le suppléer par l’accompagnement – mais à quel
prix - des mêmes pays voisins avec lesquels nous avons plusieurs
contentieux à régler.
Position de force
C’est encore et
toujours Le Phare qui relevait, dans son édition du 04 décembre, que «
la pax americana était en marche » autour de trois thèmes fondamentaux
: éradication des forces négatives comme menace contre le Rwanda,
sécurité pour les Tutsi congolais, enfin apaisement dans l’Est de la
RDC avec l’exil de Laurent Nkunda, le brassage de ses troupes ou le
processus DDR pour ceux de ses éléments qui ne désireraient pas
intégrer les Fardc ».Et d’ajouter que « selon des sources
diplomatiques, le dispositif américain comprendra également la mise en
place d’une force d’intervention rapide, formée et commandée par les
Américains. Constituée d’éléments Fardc et CNDP, cette force sera
chargée de traquer les forces négatives ». Enfin, Le Phare notait le
renforcement de la présence américaine avec un poste diplomatique
permanent à Goma, faisant craindre aux Congolais le risque de voir
cette partie de la république échapper progressivement au pouvoir
central ».
C’est précisément le résultat du sommet de la capitale
éthiopienne : avalisé aussi bien par Washington que par les voisins de
la RDC, le plan opérationnel pour la sécurisation dans les Grands Lacs
présenté par Kinshasa aux termes de l’Accord de Nairobi devrait
désormais être imposé aux populations des Kivu en particulier, dont on
connaît les sensibilités communautaires, et à tous les Congolais en
général par le biais de la conférence sur la paix, la sécurité et le
développement dans les Kivu. On peut donc s’attendre à ce que, au
minimum, le cahier des charges du CNDP y trouve une tribune appropriée.
Plusieurs éléments l’y prédisposent : premièrement, c’est au lendemain
des revers subis par les Fardc que cette conférence est convoquée, dans
un contexte où, avec la pression des partenaires condamnant à mots à
peine couverts l’usage de la force, la RDC a difficile à se faire
entendre ; deuxièmement, Laurent Nkunda a toujours réclamé le dialogue
et, troisièmement, cette option a toujours été celle de la Communauté
internationale.
Question donc : à quel niveau le CNDP fixera-t-il la
barre et quelle sera la réaction de la Communauté internationale ?
Faut-il s’attendre à un chambardement des institutions et à la
formation d’un gouvernement d’union nationale érigeant le mouvement
politico-militaire de Laurent Nkunda en parti politique ? Alors que la
représentation nationale, qui aurait pu s’exprimer en toute légitimité,
se tait au profit d’un forum informel, on peut se demander
effectivement si les institutions issues des élections générales de
2006 servent encore à quelque chose. Face à la pression de la
Communauté internationale et aux pertes militaires subies sur le
terrain, Kinshasa n’a donc plus une marge de manœuvre suffisante,
achevant d’anéantir le rêve de grandeur d’un pays qu’on croyait
jusque-là promis à un destin fabuleux.