RDCongo: veillée d'armes au Nord-Kivu et crainte d'une offensive meurtrière
Le renforcement des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) et le refus persistant du chef rebelle Laurent Nkunda de désarmer font craindre le lancement imminent d'une vaste offensive contre les forces dissidentes au Nord-Kivu (est).
Dimanche, des affrontements ont été signalés entre des soldats loyalistes et des insurgés ralliés au général déchu tutsi congolais Nkunda à plus d'une centaine de kilomètres au nord-ouest de la capitale provinciale Goma.
"Il est trop tôt pour savoir s'il s'agit des prémices de la grande offensive prévue, mais ce qui est certain, c'est qu'on ne voit sur le terrain aucun signe d'une désescalade et aucune volonté de Nkunda de démobiliser ses hommes", a déclaré un observateur des Nations unies installé dans la région.
Le Nord-Kivu, province frontalière du Rwanda et foyer de rébellions qui ont par deux fois plongé le pays dans la guerre (1996-98 et 1998-2003), est depuis plus de trois mois le théâtre d'affrontements entre les FARDC, qui y ont massé plus de 20.000 hommes, et quelque 4.000 soldats insurgés ralliés à Nkunda.
Tutsi congolais, Nkunda se pose en défenseur de sa communauté contre les rebelles hutus rwandais stationnés dans l'est de la RDC, estimés à environ 6.000 par l'ONU et dont certains ont participé au génocide rwandais de 1994, essentiellement dirigé contre les Tutsis.
Il accuse les FARDC d'armer des rebelles "génocidaires" et a récemment lancé des menaces à peine voilées à l'encontre de la Mission de l'ONU en RDC (Monuc), prévenant qu'elle devrait "assumer les conséquences" d'un soutien aux forces gouvernementales.
Face à l'intransigeance de Nkunda, considéré par de hauts responsables congolais comme l'"instrument de Kigali", Monuc et FARDC ont annoncé mi-novembre que des "opérations militaires" étaient en préparation contre les insurgés.
Ces derniers jours, plus de 4 tonnes d'armes et munitions sont encore arrivées à Goma, en prévision d'une vaste offensive qui pourrait débuter en milieu de semaine, selon des sources sécuritaires occidentales au Nord-Kivu.
Vendredi, les Etats-Unis ont annoncé avoir appelé Nkunda à "se rendre, s'exiler et inciter" ses hommes à désarmer afin d'éviter une effusion de sang au Nord-Kivu, soulignant que le président Joseph Kabila avait "le droit d'utiliser ses forces contre celui qui est avant tout un général rebelle de sa propre armée".
Ces derniers mois, les Etats-Unis se sont fortement impliqués pour tenter de trouver une issue pacifique à la crise, multipliant les contacts avec Kinshasa et Kigali, abordant de front les menaces sécuritaires constituées par Nkunda et les rebelles hutus rwandais.
Kinshasa, qui a transmis samedi à Kigali un plan contre ces derniers prévoyant le début d'opérations à la mi-mars, veut "régler avant le problème de Nkunda", a indiqué un conseiller du président Kabila.
Mais le lancement d'une offensive d'envergure contre Nkunda inquiète humanitaires et observateurs militaires, qui doutent de la capacité de l'armée régulière à l'emporter contre des troupes mobiles, familières du terrain et qui pourraient se lancer dans des opérations de guérilla meurtrières pour les civils.
Plusieurs agences humanitaires, dont le Haut-commissariat aux réfugiés de l'ONU, ont commencé à réduire leurs équipes de terrain. "On ne peut pas travailler dans cette insécurité", a expliqué un humanitaire, tout en reconnaissant que les déplacés, qui seront "les premières victimes de nouveaux affrontements" seront "une fois de plus abandonnés à eux-mêmes".
Depuis fin 2006, les violences ont entraîné le déplacement forcé de plus de 400.000 civils au Nord-Kivu, qui compte quelque 800.000 déplacés de guerre.