Vote citoyen. Vote de conscience. Ce sont là les premières réactions enregistrées quelques heures plus tard après le vote de rejet intervenu à l’Assemblée nationale à la suite de la motion de défiance déposée contre le ministre d’Etat près la présidence de la République, Me Nkulu. Les députés membres de l’Alliance pour la majorité présidentielle et ceux de l’Opposition sont sortis satisfaits. Tout s’est déroulé en toute transparence et dans la sérénité. La démocratie en République démocratique du Congo vient de marquer un pas positif. Mais pour combien de temps ?

Evénement politique particulier ce samedi 13 octobre à l’Assemblée nationale. Il s’est agi de l’examen de la motion de défiance déposée contre le ministre d’Etat près la présidence de la République, Me Nkulu. Et ce, à la suite d’une question orale intervenue après le crash d’avion Antonov 26 de la compagnie El Sam survenu le 4 octobre à Kingasani, dans la commune de Kimbanseke. Antonov qui a causé la mort de 50 personnes et une trentaine de blessés. D’ailleurs, les cérémonies d’inhumation se sont déroulées hier dimanche au cimetière de Kinkole.

Non satisfaite des explications fournies par le ministre d’Etat à la question orale de l’honorable Jean-Lucien Busa relative à la pression exercée sur le ministre des Transports afin de lever la mesure d’interdiction de vol frappant les avions Antonov, l’Opposition politique qui avait exigé la démission sans délai du ministre d’Etat, en vain, avait alors déposé une motion de méfiance. Celle-ci a été examinée au cours de la plénière de ce samedi. Au terme des débats, cette motion a été rejetée par 252 voix contre et 156 pour. Le ministre d’Etat Nkulu demeure donc au gouvernement.

Mais au-delà de cette motion, c’est la sérénité, la profondeur du débat, le poids des arguments qui ont retenu l’attention des observateurs. L’honorable François Muamba qui a tenu hier dimanche 14 octobre un point de presse à ce sujet, s’est félicité du climat des débats et a qualifié le vote de « Vote citoyen ». Car, a-t-il dit, chacun a vote selon sa conscience, quelle que soit sa famille politique.

D’autres, allant sur la même lancée, rajoutent qu’il s’est question d’une grande démonstration de la démocratie. Que tout se soit déroulé à la grande satisfaction de toutes les parties, la démocratie en RDC vient de marquer un pas positif.

TEST POUR LA MAJORITE

Il est un fait qu’à la lecture du nombre des signataires de la motion, un vent froid a soufflé sur la majorité présidentielle. La question consistait à savoir si elle allait résister à ce premier test depuis la mise en place des institutions de la IIIème République. Sa cohésion était mise à rude épreuve. Mais à l’énoncé du verdict sanctionnant le vote, la majorité a réussi à s’imposer pour éviter des dérapages susceptibles de l’emporter. Elle est demeurée unie, même si l’on peut interpréter ce score tant l’AMP dispose de plus de 350 députés à l’Assemblée nationale.

Le test consistait à ce que l’AMP qui dispose de la majorité soit unie dans des moments difficiles, faisant respecter la consigne. Elle a réussi et est demeurée soudée. Le rassemblement a eu lieu et le test a été gagné. Sûr que ce résultat suscitera de nouvelles impulsions au sein de la majorité pour aider le gouvernement à mieux gérer de manière à éviter certaines erreurs à même d’être fatales.

On comprendrait peut-être que certains élus, pour des raisons sentimentales et sous le coup de l’émotion, ont préféré s’abstenir du vote ou émettre un avis contraire. Mais l’essentiel vient d’être fait et apportera sûrement un nouveau vent au sein de l’AMP.

LE COUP DE L’OPPOSITION

Si l’Amp a réussi son test, l’Opposition a réalisé un bon coup en ratissant large. Grâce à ses arguments, elle est parvenue à s’attirer de la sympathie d’autres députés, indépendants, et pourquoi pas ceux de la majorité présidentielle. En fait, l’Opposition qui ne compte que 100 députés, est arrivée à s’attribuer près d’une cinquantaine de voix. Il s’agit d’un travail remarquable qui pousse désormais l’Opposition à croire et a tenter d’autres initiatives en vue d’affaiblir la majorité présidentielle.

Mais comme nous l’avons relevé pour la majorité présidentielle, le score de l’Opposition pourrait s’expliquer également à des raisons sentimentales, émotionnelles. Il y a eu certainement des députés qui ont soutenu cette motion de défiance pour des causes régionalistes, allusion aux originaires des provinces du Bandundu et Orientale.

UNE EXPRESSION DEMOCRATIQUE

Qu’à cela ne tienne. Cette plénière s’est déroulée en toute transparence à la satisfaction, non pas seulement des acteurs politiques de la représentation nationale, mais également des observateurs avertis de la politique congolaise. Ils affirment avoir assisté là à une grande démonstration de l’expression démocratique. François Muamba, Secrétaire général du MLC le dit mieux que nous : « L’opposition s’est exprimée en toute liberté ».

Cependant, point n’est besoin de se lancer dans un triomphalisme béat. Observation qui s’adresse surtout à la AMP. Le fait que cette motion ait été rejetée ne signifie point qu’ils ont « gagné ». A travers les débats, le dysfonctionnement du gouvernement a été bel et bien mis en cause. Il faut en tirer les conséquences qui s’imposent.

Bien plus, rien ne sera plus comme avant. Aujourd’hui, le peuple a l’œil sur tout. Il est rassuré que ses représentants au Parlement ne tolèreront plus le laxisme et la légèreté dans la gestion de la chose publique.

Par voie de conséquence, les prochaines motions de méfiance ne risquent pas de ne pas se ressembler à celle qui vient d’être rejetée. Comprenne qui pourra.