Le divorce est cette fois-ci consommé entre deux alliés de cœur et de raison : Joseph Kabila et Azarias Ruberwa. Trésor Kapuku en a fait les frais le jeudi 7 juin courant quand 29 députés provinciaux ont voté contre son maintien à la tête du Gouvernorat de la province du Kasaï Occidental, réduisant ainsi en minorité les 25 députés qui le soutenaient. C’est la lecture politique qu’il faut faire de ce coup fourré dont l’initiative émanait de 15 députés de l’Union pour la Nation (UN). Ruberwa, en effet, ne pouvait s’imaginer que ses prises de position d’opposant seraient sans conséquence pour ses pions.
Il n’est pas ici question de banaliser les griefs formulés contre Trésor Kapuku dans la motion de défiance : manque de collaboration avec l’Assemblée provinciale et violation de la Constitution. Il s’agit d’analyser comment le consensus pour le désaveu a été rendu possible.
Une alliance qui bouleversa les équilibres politiques
L’élection de Trésor Kapuku, cadre influant du RCD, le 15 février, était une surprise, à tel point que la nouvelle avait fait l’effet d’une bombe dans le microcosme politique congolais. Monsieur tout le monde ne s’expliquait pas que la liste UN conduite par Alex Kande morde la poussière au Kasaï Occidental où une confortable majorité s’était dégagée en sa faveur, quelques jours plutôt, à l’élection des membres du Bureau de l’Assemblée provinciale. L’explication la plus facile à l’époque était l’achat des consciences des Elus. Beaucoup n’avaient pu imaginer l’étendue de dégâts sur les équilibres politiques provinciaux que provoquerait l’alliance AMP-RCD conclue entre les deux tours de la présidentielle. L’UN a payé le prix de l’étourderie politique de ses dirigeants au Bas-Congo, à Kinshasa et, bien entendu, au Kasaï Occidental. Au terme d’un accord passé, le RCD devait faire basculer la majorité du côté de l’AMP en échange de quelques postes de Gouverneur, Vice-Gouverneur, et, pourquoi pas, de ministres et autres mandataires. A l’arrivée, le RCD a fait élire des Sénateurs, comme Moïse Nyarugabo à Kinshasa, un Gouverneur en la personne de Trésor Kapuku, un Vice-Gouverneur au Bas-Congo, M. Deo Nkusu. Les choses ont très vite tourné au vinaigre comme dans la plupart d’histoires d’amour. Le RCD s’est estimé floué. Et son président national, Azarias Ruberwa, voulant, peut-être, exploiter au maximum à son profit la mise à l’écart de JB Bemba, convoquait la presse pour annoncer qu’il se rangeait désormais dans une opposition constructive. Pour ce faire, Ruberwa déclarait vouloir réunir prochainement les organisations politiques de l’opposition. Ses nouveaux amis de l’opposition ne se jetèrent pas directement dans ses bras. L’UDPS et le MLC levèrent séparément l’option de juger Ruberwa par ses actes. Les actes d’opposant, Ruberwa en a posé plusieurs depuis qu’il a changé son fusil d’épaule. Multiplication des conférences de presse, fréquentes interventions aux séminaires et ateliers, etc.
Ruberwa, au cours de sa grande dernière sortie médiatique, le mardi 5 juin au siège du RCD, a fustigé le partenariat Pouvoir- Laurent Nkunda.
On s’y attendait
Au lendemain de la courageuse prise de position de Ruberwa, la presse bleue de Kinshasa, allusion faite aux médias pro pouvoir, était très embarrassée. Leurs éditorialistes s’inquiétaient du sort que la coalition réserverait à Trésor Kapuku et Deo Nkusu. On conseillait aux députés et autres cadres du RCD de prendre distance vis-à-vis de la nouvelle ligne de leur leader. Tout au long du conflit qui a opposé le Gouverneur de Kinshasa, André Kimbuta, aux députés provinciaux de l’opposition, les députés RCD se sont affichés AMP.
Un nouveau Gouverneur à Kananga dans 15 jours
Trésor Kapuku démis, la Commission Electorale Indépendante (CEI) a 15 jours pour organiser de nouvelles élections à Kananga. Sauf si Kapuku a l’intention d’introduire un recours à la Cour d’Appel. Ce qui serait une grave erreur dans la mesure où il véhiculerait l’image d’un politicien très assoiffé du pouvoir. La destitution de Trésor Kapuku doit servir de leçon à d’autres Gouverneurs assis sur de chaises éjectables partout où le suffrage universel direct ne leur était pas favorable.