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LOSAKO
8 juin 2007

MIBA, comme un diamant en perte de sa brillance

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La MIBA, fleuron des employeurs du Kasaï oriental, a précocement subi la loi de l’usure. Les causes, selon les experts, sont imputables à la gestion plutôt politique que technique de l’entreprise. La morosité de l’activité économique sur l’ensemble de la ville de Mbujimayi symbolise mieux que tout saupoudrage l’entrée dans le coma de cette entreprise d’économie mixte. Compte rendu d’un reportage sur le terrain.

Mbuji Mayi, fin mai 2007, ressemble à une ville morte. Où que le visiteur aille, il est désillusionné par la permanence des images dignes d’un après-cataclysme. L’aéroport de Bipemba, le premier, lui assène une terrible impression négative à la manière d’un uppercut. Des grappes de femmes vulnérables assaillent le voyageur qui débarque. Empruntant au riche répertoire déifiant les héros baluba, ces quinquas et sexas tentent d’attendrir le cœur du touriste, en chantonnant, afin de lui arracher une pitance. La rue et les restaurants sont également pris d’assaut par des tout jeunes et des SDF quémandeurs de «diambuluisha» (assistance publique). Du jamais vu auparavant !

Le marché de Dibindi, le plus gros de la ville, n’est que partiellement occupé par des vendeurs. Le poisson séché et salé, importé du Katanga, manque sur les étals. Roffe Congo, Beltexco, Dieu m’a donné, … les spécialistes du négoce tout terrain, sont dépassés. Les acheteurs se font rares.

Divers articles vestimentaires venus d’Asie et exposés sur les rayons des magasins se drapent d’une poussière ocreuse, qui leur donne l’air usagé.

Jadis animées et prospères, les gargotes renommées ont perdu le gros de leur clientèle autochtone. Heureusement qu’il existe encore quelques fonctionnaires et touristes en mission qui s’y invitent pour goûter aux délicieux mets locaux. Mais l’ambiance d’antan a disparu. Une brasserie qui importe ses bières de Kinshasa envisage même de délocaliser ses activités car les ventes ont périclité, grevant le transport du produit.

LA MIBA NE CONCERNE PAS QUE SES 5400 SALARIES

Plus symptomatique encore est le délestage en énergie électrique, alors qu’une nouvelle turbine de la centrale hydroélectrique de la Tshiala a été inaugurée en grandes pompes, fin 2002, par le président Joseph Kabila. Je n’ai pas cru mes yeux en découvrant que les installations de la direction générale de la MIBA étaient plongées dans le noir ! Impensable voici quelques années. Ceci traduit le degré de déchéance de l’entreprise dont le capital est détenu à concurrence de 80% par le gouvernement congolais et 20% par la SIBEKA, un groupe belge.

«Aujourd’hui plus qu’hier, me confie un vétéran de la MIBA (35 ans de carrière) qui a requis l’anonymat, les citoyens du Kasaï oriental en général et de Mbuji Mayi en particulier réalisent que la situation et l’avenir de la MIBA ne concernent pas que ses 5400 salariés. C’est toute la population qui en tire profit : l’agriculteur, la vendeuse du marché, le cordonnier, le taximan, l’agent de l’Etat, le négociant en diamant, le commerçant, voire les communes».

Dieudonné A. Kabamba Muteba, 1er vice-président du Bureau permanent de la Délégation syndicale générale MIBA (BPDSG) témoigne : «Nous avons admiré la manière dont la ville avait retrouvé sa fébrilité au lendemain du paiement d’un mois de salaire grâce au crédit RawBank. Marchés, magasins, bars, ‘nganda’ et foyers avaient repris leurs couleurs des jours fastes. La MIBA a donc prouvé qu’elle demeure le poumon de Mbuji Mayi. C’est pourquoi nous formons le vœu de la voir relancée si tôt».

Le syndicaliste a-t-il confiance en la relance de la société à la suite de l’opération RawBank ? «Les syndicats et les employés n’étant pas encore officiellement informés de la situation du prêt RawBank par le comité de gestion, il serait irresponsable de notre part de faire des déclarations à ce sujet», répond D.A. Kabamba Muteba. Avant d’ajouter que «néanmoins, nous avons chaleureusement applaudi le versement d’un mois de salaire (NDLR : quelque 2,5 millions de dollars) après un cumul d’arriérés. Nous brûlons d’impatience d’empocher le salaire d’un deuxième mois».

ECARTER DE LA GESTION LES INTERFERENCES

Quoi qu’il en soit de cet optimisme mesuré, il se développe désormais à Mbuji Mayi une idée maîtresse qui galvanise toute la population. Nyembwe Mulumba, secrétaire général de la MIBA, s’exprime ici en son nom personnel. «L’épreuve que traverse la MIBA a fait prendre conscience à la population qu’elle vit dans une province qui, à l’origine, doit son existence à la MIBA. Pour la survie de la province et le développement de ses habitants, la MIBA peut et doit redémarrer, à condition d’écarter de sa gestion les interférences politiques».

Au Conseil provincial des diamantaires (CPD), planté en face du Mini-marché de vente et d’achat des diamants de Mbuji Mayi (VADIAM), blotti lui-même sous un énorme arbre vert qui abrite des centaines de nids de tisserins piailleurs, dans la commune de Diulu, le conseiller juridique chargé des litiges, Mukuna Major, est à l’aise pour parler de la MIBA, du diamant et des négociants. En tout cas, il n’a pas sa langue dans la poche.

«La MIBA en activités maintient toute la ville en vie, commente-t-il. Tous les autres secteurs lui sont subordonnés, y compris les négociants célèbres ayant pignon sur rue. Ces derniers ont bâti leur prospérité sur les gros diamants de la MIBA qui leur parviennent en fraude par des réseaux bien implantés dans la société. Une moindre cessation d’activités sur le polygone entraîne la morosité dans les transactions chez les négociants, aussi bien nationaux qu’étrangers. D’où nous lançons un vibrant appel à l’Etat et à ses partenaires pour relancer l’entreprise».

Le mot de la fin ? Ce petit tour effectué dans l’antre du centre mondial d’extraction du diamant de joaillerie atteste que la MIBA a atteint le niveau critique. Elle est semblable à un diamant en perte de sa brillance. Parler d’une catastrophe ne serait pas exagéré. Mais la MIBA peut et doit être refluée par des capitaux frais afin de renouveler l’outil de travail, produire annuellement plus de 7 millions de carats, payer ses créanciers et participer au développement de la province. A l’autorité politique d’engager son soutien dans ce sens pour l’intérêt de la RDC.

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