Décentralisation et rétrocession: 40% : dialogue des sourds entre Kinshasa et les provinces
Deux jours n’ont pas suffi pour que le gouvernement et
les provinciaux parviennent à un compromis sur la rétrocession constitutionnelle
de 40% des recettes courantes. Les sept ministres du gouvernement Gizenga
dépêchés pour la négociation se sont butés au refus des gouverneurs de province
et des présidents des Assemblées provinciales. Ceux-ci tiennent mordicus à leurs
40% à prélever à la source sur les recettes publiques. Désormais, c’est du
Conseil des ministres que viendra peut-être la détente.
Les négociations
entre le pouvoir central et les gouverneurs de province, accompagnés des
présidents des Assemblées provinciales, ont été suspendues hier mardi 5 mai,
faute d’un compromis sur la rétrocession des 40% des recettes publiques.
Placées sous la facilitation du ministre d’Etat en charge de
l’Intérieur, Décentralisation et Sécurité, Denis Kalume, ces négociations ont vu
les gouverneurs de province et les présidents des Assemblées provinciales camper
sur leur position. Ils exigent que les 40% des recettes publiques soient retenus
à la source, sans autre forme de procès, dès cet exercice budgétaire 2007.
LES FAITS
Au budget de la présente année, les recettes courantes
représentent 670 milliards de francs congolais. Les 40% équivalent donc à 268
milliards de la monnaie nationale. En lieu et place de rétrocéder 40% de ces
recettes publiques aux entités provinciales, le gouvernement a retenu un forfait
de 47 milliards de francs congolais, selon une clé de répartition qu’il a
proposée.
Les concertations entamées le lundi 4 juin dernier au Grand
Hôtel Kinshasa entre les provinciaux et le ministre d’Etat chargé de
l’Intérieur, se sont poursuivies hier mardi. Cette fois-ci entre les mêmes
gouverneurs et présidents des organes provinciaux délibérants et cinq ministres,
y compris deux vice-ministres du gouvernement Gizenga.
En l’occurrence,
ceux de l’Intérieur, Décentralisation et Sécurité, du Budget, des Finances et
des Mines. Objet de la réunion : avoir le même regard sur la décentralisation en
République démocratique du Congo.
Le premier à prendre la parole a été
le ministre du Budget, Adolphe Muzito. Donnant la position du gouvernement
central, il a fait savoir aux provinciaux qu’il est impossible d’appliquer la
rétrocession, sans accomplir un certain nombre de préalables. Ces derniers sont
notamment : une loi-cadre sur la décentralisation, ainsi que des mesures
d’application qui n’existent pas encore. Bien plus, le ministre du Budget a fait
comprendre aux provinciaux qu’à l’heure actuelle, les contributions des
provinces au budget national ne reflètent pas la valeur exacte de leurs
économies. Il s’impose ainsi des travaux techniques de rééquilibrage pour
parvenir à déterminer la contribution exacte de chaque province au budget
national.
La ville-province de Kinshasa contribue au budget national à
38%, le Bas-Congo à 33,42%, le Katanga à 19,53%. Ce qui fait que ces trois
provinces contribuent, en termes des recettes, à plus de 80% au budget national.
Ainsi, l’application de la loi sur les 40% ferait en sorte que ces trois
provinces se taillent, injustement, la part du lion ; alors que d’autres
disparaîtront. Ces contributions sont faussées, selon le ministre du Budget.
Kinshasa fiscalise le pétrole produit au Bas-Congo, le diamant de deux
Kasaï, le bois de l’Equateur. De même, le Bas-Congo s’empare des recettes issues
des droits sur les marchandises importées en destination des autres provinces.
C’est le même cas avec le Katanga, qui perçoit des taxes au poste de
Kasumbalesa, même sur les marchandises destinées aux deux Kasaï et au Maniema.
Pour le gouvernement, il faut au préalable porter des corrections à ces
irrégularités.
C’est dans ce cadre que le ministre du Budget va proposer
aux provinciaux une solution provisoire, en attendant que les préalables soient
remplis. Il s’agit d’une dotation financière qui permettra aux provinces de
faire fonctionner leurs administrations et d’installer les Assemblées et les
gouvernements provinciaux. Dans le budget 2007, les 47 milliards des Fc prévus
par le gouvernement pour les onze provinces sont répartis comme suit : Kinshasa
6¨%, Katanga 11%, Bas-Congo 11%, Kasaï Oriental 10,3%, Kasaï Occidental 10,3%,
Equateur 10%, Bandundu 10,4%, Province Orientale 10%, Maniema 6,48%, Sud-Kivu
6,48, Nord-Kivu 7,6%. Pour autant, le gouvernement central, dans le budget 2007,
n’a pas transféré des charges aux provinces, comme prévu en cas de rétrocession
des 40%.
Le deuxième à prendre la parole sera le ministre des Finances,
Athanase Matenda, qui s’est plutôt attardé sur l’applicabilité de l’exigence
constitutionnelle de la rétrocession des 40% qui nécessite, de son point de vue,
des instruments juridiques et techniques.
ABSOLUMENT LES 40% !
En réaction aux deux positions du gouvernement, Gabriel Kyungu wa
Kumwanza, président de l’Assemblée provinciale du Katanga, va donner la position
des provinciaux. Ceux-ci ont d’abord réaffirmé leur attachement à la nation
congolaise. Ensuite, ils ont soutenu l’autonomie financière des provinces.
Enfin, ils ont soutenu que les 40% ne sont qu’un corollaire de l’autonomie
financière prônée par la Constitution, et donc pas négociables.
Tout
autant, les provinces vont prendre en charge ce que la Constitution leur impose.
Devant l’argument du gouvernement de se soucier des provinces qui n’ont pas une
contribution substantielle au budget national, le porte-parole des provinciaux a
indiqué qu’ils vont régler cela à leur niveau.
Devant ces deux positions
diamétralement opposées, le facilitateur de la réunion, le ministre d’Etat Denis
Kalume, a demandé qu’on puisse suspendre les travaux, en attendant que le
Conseil des ministres soit tenu au courant.
Les travaux pourront
reprendre incessamment, afin de trouver un compromis sur ce dossier.