Les habitants du Quartier Matongé à Ixelles étaient incrédules dimanche de voir des Belges de souche portant de calicots et banderoles exaltant le rattachement de la Belgique à son ancienne colonie. Le nouvel Etat s’appellerait la République royale et populaire du Congo. La nouvelle entité aurait pour langue officielle : le lingala. Une nouvelle histoire belge ?

Porte de Namur. Chaussée de Wavre, dimanche 21 janvier. Il est 16 heures lorsque le silence dominical est rompu par un slogan entonné de manière répétitive. Avec un accent wallon. « Nakoya na Congo », scandaient les manifestants. Traduction : Je viendrai au Congo.  Un coup d’œil à la fenêtre permet de voir plusieurs marcheurs de race blanche portant des banderoles. Les manifestants sont encadrés par quelques éléments de la police fédérale. Il s’agit donc d’une vraie « démonstration ». Dans le véhicule qui précède, on y voit un gros caïman sculpté en bois. Quelques rares Congolais font partie de l’organisation dont le linguiste Maurice Boyikase. « Congo home sweet home », « Chassez les Belges, ils reviennent en Congolais », « Le rattachement de la Belgique au Congo commencera par l’acquisition d’immo-Belgo par Immo-Congo », peut-on lire. Qui est l’initiateur de cette manifestation où se mêle l’humour et la politique ? Renseignement pris, c’est l’association « Collectif manifestement » qui en est l’initiatrice. Le groupement  se définit, à l’article 1^er de sa charte,  comme « une association de fait momentanée » et que « le Collectif conçoit et organise une manifestation par an, la veille du lundi le plus proche du 24 janvier (…) ». « Le thème de la manifestation (…) doit être provocateur (…), délicieusement féroce, méchamment inattendu et intelligemment correct », énonce l’article 2. Cette année, les membres du « Collectif » ont jeté leur dévolu sur le thème : « Pour le rattachement de la Belgique au Congo ».  Le mercredi 13 décembre dernier, la télévision publique francophone belge (RTBF) avait fait sensation en diffusant une « fiction » sur « la fin de la Belgique». Le journaliste François de Brigode avait annoncé avec son sérieux habituel que le Parlement flamand avait proclamé la sécession de la Flandre. Certains spectateurs attachés à la « Belgitude » avaient eu des « malaises » croyant à une « yougoslavisation » du royaume. Un journaliste parlant depuis le palais royal avait annoncé le plus sérieusement du monde que le roi Albert II et la reine Paola avaient quitté la Belgique pour se réfugier à Kinshasa. La RTBF a-t-elle fait des émules ? « Notre association est composée d’éditeurs, de plasticiens, de philosophes francophones en général mais aussi des Wallons et des Flamands. Il y a aussi des Congolais», dit un marcheur. Pourquoi ont-ils retenu le thème du rattachement de la Belgique au Congo ? Une mauvaise blague ? « Il ne s’agit pas du tout d’une mauvaise blague, dit-il. C’est pour nous la meilleure manière de poser une question aux dirigeants de ce pays». Pour notre interlocuteur, le thème choisi n’a aucun rapport avec la fiction de la RTBF. Ajoutant : « Il est cependant vrai que la RTBF nous a un peu doublé en posant le problème. Voilà pourquoi nous apportons la solution par le thème retenu». Est-ce à dire que le Congo devrait s’unir à la Belgique pour permettre aux Wallons et Flamands de trouver un nouvel intérêt commun pour vivre ensemble ? « Il ne s’agit nullement d’une nouvelle colonisation », commente un membre du Collectif.  « Il s’agit de rappeler à l’opinion tant belge que congolaise  qu’il existe des liens indéfectibles entre la Belgique et le Congo ». Un autre d’enchaîner : « Le Congo est notre mère-patrie. Nous sommes tous des Congolais ». Pour cet interlocuteur, l’adoption de la langue lingala comme langue officielle « pourrait mettre fin aux querelles linguistiques entre Wallons et Flamands. » De l’humour belgo-belge ? L’homme poursuit sur un ton sérieux : « Ainsi,  la Belgique deviendrait un territoire à facilité d’outre-mer du Congo ». « Le siège de l’Union européenne sera installée à Kinshasa ». Un anthropologue flamand présent dans la manifestation, estime pour sa part que le choix du Quartier Matonge est dû au fait que cet endroit « symbolise le lien entre la Belgique et le Congo ». Selon lui,  « Cette manif est un prolongement de la fiction présentée par la RTBF. Nous voulons interpeller les autorités belges sur l’urgence de réfléchir sur l’avenir de la Belgique ».