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LOSAKO
15 janvier 2007

Kilwagate: Qui est le commanditaire des massacres de Kilwa ?

Katumba_Mwanke

Il y a deux ans, des centaines de citoyens congolais avaient été arrêtées, détenues et massacrées sommairement dans l’Est de la province du Katanga. Les auteurs de ces crimes restent  impunis. Deux ONG congolaises ( Asadho et ACIDH)  et  la britannique RAID ont pu néanmoins résister aux pressions et  intimidations et rendre inévitables des poursuites judiciaires. Mais si sept militaires de la 62ème brigade dont le colonel Adémar Ilunga et trois employés européens de la société Anvil Mining ont été appelés à comparaître devant la Cour militaire de Lubumbashi, le « cerveau » de l’opération  est resté dans l’ombre.

Lubumbashi. Correspondance particulière.

Tout se passe entre le 14 et le 15 octobre 2004. Une dizaine d’individus se proclamant du "Mouvement révolutionnaire pour la libération du Katanga" occupent un commissariat de police dans la cité lacustre de Kilwa. Non loin de là, à Dikulushi, la compagnie Anvil Mining dont le siège social se trouve à Perth, en Australie, exploite un gisement de cuivre et d’argent. L'incident mineur prend aussitôt la tournure d’une crise politico militaire mettant en danger des intérêts étrangers et, selon la rumeur, ceux de certains partenaires occultes congolais. Le pouvoir politique organise alors une expédition musclée avec l’aide matérielle de Anvil Mining. La répression est brutale et disproportionnée. Il y a eu une tuerie massive. C’est la naissance du  "Kilwagate". Selon un rapport de la MONUC, il y aurait eu  cent personnes tuées lors de bombardements et d’échanges de tirs entre les FARDC et les membres du nébuleux   Mouvement révolutionnaire pour la libération du Katanga, notamment aux alentours de zones très fréquentées comme la place du marché et la route menant à l’aéroport. Selon ce même rapport, vingt-huit exécutions sommaires, aussi bien de civils que de « rebelles », ont été commises lors du contrôle des habitations par les FARDC.  De son côté, l’ASADHO a compté quatre-vingt-dix exécutions sommaires. Les FARDC ont aussi arrêté arbitrairement 16 personnes tout en se livrant au pillage de la ville. Comment peut-on expliquer que l’occupation à la limite folklorique d’un petit commissariat de police de localité ait fait couler tant de sang ? Etait-ce dû à l’amalgame des intérêts privés, personnels et publiques ? Les observateurs avaient noté que le drame a eu lieu dans le territoire d’origine de Augustin Katumba Mwanke. Bras droit de Joseph Kabila, Katumba passe pour « l’homme fort » du régime kabiliste. Au moment des faits, le même Katumba portait le titre d’ambassadeur itinérant du chef de l’Etat. L’homme est par ailleurs un des administrateurs, membre du Conseil d’administration, de la société Anvil Mining (Voir document). Il avait été cité dans le rapport du Panel de l’ONU sur le pillage et la galaxie des élites compromises dans les contrats miniers et le pillage des ressources naturelles. Bill Turner, le président directeur général de Anvil Mining  s’est employé à minimiser les liens de Katumba Mwanke avec sa société. Il a affirmé à des représentants de la société civile que jusqu’ en 1997, Katumba était un employé de banque en Afrique du Sud. Il n’aurait joué aucun rôle dans l’octroi des droits miniers, et sa nomination au conseil d’administration de Anvil aurait résulté de sa charge du portefeuille de l’Etat dans la mesure où la présence d’un mandataire public aurait conditionné la ratification de leur convention minière. Bill Turner ajoute que Katumba a démissionné en décembre 2004 et qu’il n’aurait touché que des jetons de présence, en plus du loyer de sa villa de Lubumbashi.
La réalité contredit totalement le PDG Bill Turner. Il devrait préciser que c’est depuis 1998, et pendant toute la période de négociations de la convention minière que Katumba était devenu le gouverneur du Katanga et un homme très influent auprès de la Présidence et omnipotent dans les dossiers miniers. Ce rôle a été dénoncé par le Panel des experts de l’ONU. On ne doit pas non plus minimiser le fait qu’il est originaire du territoire de Kilwa-Pweto où Anvil a commencé ses opérations congolaises. Quant à la représentation de l’ Etat dans la compagnie australienne, la règle est que tout mandataire public est nommé par décret présidentiel, ce qui n’a jamais été le cas. D’ailleurs, deux années après la démission de Katumba, aucun autre Congolais, chargé de représenter l’Etat, n’a été nommé chez Anvil. Cette « omission » n’a pas fait perdre à la société australienne ses droits d’exploitation découlant de la convention minière…

Impunité


Un observateur soucieux de son anonymat explique : «  Katumba a incontestablement une responsabilité réelle, mais dont la nature et l étendue restent  à déterminer. Il serait étonnant qu’il ait intimé au colonel Adémar l’ordre de massacrer les gens. Mais il est incontestable  qu’il était le cerveau de l’opération. Comme ambassadeur itinérant, il n’avait pas à intervenir dans une affaire de police intérieure. Et c’est là tout le scandale. Il ne rentrait pas dans la chaîne de commandement territorial et militaire, et suite à cela, il est resté dans l’ombre pour laisser sous les projecteurs le colonel Adémar ». Notre interlocuteur d’ajouter : « Mais, Katumba   s’est trahi avec sa démission chez Anvil après l’éclatement du scandale, soit deux mois  seulement après les crimes. Ce départ précipité a des odeurs d’une sorte d’aveu comme quoi quelque chose avait mal tourné à Kilwa avec l’assistance directe de Anvil.  Car au moment des faits, des témoins avaient relevé que Katumba  se serait transporté en hélicoptère pour suivre les opérations de nettoyage à  partir d’une île en rade de Kilwa ». « De même, deux jours après la reprise de la cité, il était arrivé à Kilwa-même où  quelques cadavres lui avaient été montrés. Des familles s’étaient plaintes devant lui des massacres survenus. Mais il a gardé silence. Il n’a jamais ni condamné les crimes, ni manifesté de la compassion envers les victimes innocentes ». A en croire cette source, il serait aisé de qualifier ce mutisme de complicité ou de refus d assistance à personnes en danger. Mais plus objectivement, la lumière devrait provenir du contenu de son rapport de mission. Un ambassadeur personnel du chef de l’Etat n' avait pas pu s' aventurer au Katanga sans autorisation de sa hiérarchie, ni revenir à Kinshasa sans un rapport détaillé. Pour la justice militaire, Katumba reste un témoin incontournable et de tout premier choix. »
Il subsiste de nombreuses autres questions fondamentales. Qui a orchestré la campagne contre les ONG et, même contre la MONUC ? Qui a organisé la dissimulation officielle des massacres pendant près de deux années ? Qui a longtemps protégé Adémar ? Qui a fait interpeller l’auditeur militaire pour tenter de gommer les « Blancs » de Anvil de la liste des accusés ? Qui donc finance actuellement les articles de presse mettant en doute la réalité des massacres  que Anvil Mining a déjà reconnus et déplorés au Canada et en Australie ? Peut-t-on tolérer au Congo le négationnisme du meurtre de centaines de gens? Il restera que le procès Kilwa se tient à un moment crucial où les acteurs de la Troisième République prétendent mettre fin à l’impunité et restaurer l’ Etat de Droit. La crédibilité de Joseph Kabila est mise à rude épreuve dans une affaire gérée par un proche. Antoine Gizenga risque son aura dans la mesure où il doit son fauteuil à une AMP dont Katumba Mwanke est l’argentier. Il en est de même du président de l’Assemblée nationale, Vital Kamerhe, auprès de qui Katumba siège maintenant comme député. Le  « Kilwagate» garde de profondes ramifications. La justice ne peut trancher valablement que si tous les intervenants comparaissent comme accusés ou comme témoins aux côtés du sinistre colonel Adémar, de la soldatesque et des comparses de Anvil Mining.

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