Me Nlandu Mpolo, prisonnière de Joseph Kabila ( ? )
Maître Marie-Thérèse Nlandu Mpolo Nene est, peut-être, privée de liberté pour avoir « offensé» Joseph Kabila. L’avocate vient allonger la longue liste des Congolais qui ont osé houspiller la conspiration du silence qui entoure l’énigmatique parcours personnel du « président élu » de la RD Congo.
« L’affaire Nlandu est un grossier montage à l’image de l’affaire Kuthino». C’est l’opinion invariablement exprimée par des observateurs tant à Kinshasa qu’à l’étranger. Près d’un mois après l’arrestation spectaculaire de Marie-Thérèse Nlandu Mpolo Nene, un des 33 candidats à l’élection présidentielle et conseil du vice-président Jean-Pierre Bemba, le mystère reste entier sur les faits répréhensibles imputables à ce membre du barreau de Kinshasa. Le 21 novembre dernier, Marie-Therèse Nlandu, a été enfermée dans un des cachots des services spéciaux de la police alors qu’elle était à la recherche de ses collaborateurs en ce lieu redouté par les Kinois. Dirigée par le « colonel » Raüs Chalwe Ngwashi, cette unité de la police, formée notamment par la coopération technique française, dépend directement de Joseph Kabila. Les griefs articulés à l’encontre de cette avocate et de ses proches sont d’une légèreté à l’image de la décrépitude ambiante : « terrorisme ». Ni plus, ni moins. Me Nlandu est, le plus sérieusement du monde, accusée de « détention d’armes de guerre et de grenades ». Ces proches parlent de « monumentale affabulation ». L’incendie du bâtiment de la Cour suprême de justice aurait été imputé aux membres de son entourage. Dans son édition datée de jeudi 30 novembre, l’hebdomadaire satirique bruxellois « Père Ubu » publie un document qui jette un éclairage nouveau sur cette affaire politico-judiciaire. Il s’agit d’une « lettre ouverte» que la prévenue avait adressée à la « communauté internationale » à la veille du premier tour de l’élection présidentielle qui s’est tenu le 30 juillet 2006.
Zones d’ombre
L’authenticité de ce document a été attestée par les membres de la famille Nlandu qui résident en Belgique. « En notre qualité de femme politique, et candidate présidente de la RD Congo, (…), avons l’honneur de vous adresser la présente requête », écrit Me Nlandu en soulignant que « la question de la crise congolaise doit revêtir nécessairement une dimension d’ordre éthique ». C’est ici que la femme politique sort l’artillerie lourde. Elle déverse un « tapis de bombes » dans le camp du chef d’Etat sortant en rappelant au passage « la persistance des zones d’ombre » sur la personne du président-candidat mais aussi sur le doute qui plane sur l’identité réelle de celui-ci qui est « de plus en plus appelé Hyppolite ou Christopher Kanambe ». Rien que des sujets qui fâchent. Après avoir relevé que « Joseph » est « de nationalité rwandaise » et qu’il tire sa force du soutien de certaines puissances financières de la communauté internationale, Me Nlandu poursuit son pilonnage en s’attaquant à « l’entourage ». Pour elle, étant donné que des membres de l’ « entourage immédiat » de Kabila ont été accusés « de corruption et d’indélicatesse dans la constitution d’une immense fortune personnelle sur le dos du peuple congolais », la communauté internationale doit astreindre Kabila à faire, avant son investiture, une déclaration sur l’honneur de n’avoir jamais posé un « acte d’indélicatesse ou de corruption dans la constitution de sa fortune personnelle ». Et qu’il n’a jamais « commis d’actes illicites ou indirects avec le groupe Forrest et qu’il n’a pas placé de fonds personnels en Tanzanie et à Dubaï ».
Transactions fatales
L’avocate se fait plus incisive en exigeant des preuves établissant que Joseph n’est nullement impliqué dans des actes de corruption au Congo et qu’il est exempt de tout soupçon dans les transactions dites « fatales » entre autres. Elle les énumère : l’emphytéose Moanda, contrats miniers, la vente du sol et sous-sol congolais, la gestion des entreprises publiques dont la disparition de 32 millions de dollars US payés par le Congo Brazza à la Société nationale d’électricité (SNEL), les fonds destinés aux hôpitaux du Congo-Kinshasa dans le budget 2005, les 12 millions de dollars US donnés au Mouvement Social pour le Renouveau (MSR) pour manipuler les élections, toutes les ventes suspectes de terre pendant la Transition du reste considérée comme période suspecte. Ce chapelet de griefs a sans doute été perçu par le « camp kabiliste » comme une attaque frontale. « Marie-Thérèse » ne s’arrête pas en si bon chemin. Elle va plus loin en remuant le passé de Joseph Kabila. Et ce, depuis la guerre dite de « libération » à ce jour. Elle recommande à la communauté internationale d’exiger au président-candidat de prouver « qu’il n’a jamais été impliqué dans des abus de droits de l’homme, divers assassinats et crimes contre l’humanité ». Elle épingle des cas spécifiques : la « disparition » de « 200 à 500.000 Hutus » pendant l’avancée de l’Afdl de 1996 à 1997 dans l’axe Goma-Kisangani. Ajoutant que Kabila doit démontrer « qu’il n’est ni de près ni de loin concerné par la mort de 5.000.000 de Congolais depuis 1996 à ce jour, qu’il n’est pas lié en tant que Commandant suprême des Fardc à l’exécution sommaire du colonel Tsheke Muadi, commandant Mamba Tshiaba, Officier S3 Ilenda Désiré, ni du Commandant de compagnie Etende ». Me Nlandu de conclure en abordant le sujet hautement sensible relatif aux origines familiales de Joseph Kabila en invitant celui-ci à infirmer ou à confirmer « sa filiation vis-à-vis de sa mère biologique Marcelline Katerebe Mukambuguje et de son père Christopher Kanambe ». Enfin, que Joseph « publie et signe sous serment » son curriculum vitae détaillé avec précision des années, des noms des écoles et lieux, les types d’études, des titres académiques acquis, des références de ses professeurs et témoignages de ses collègues de classe.
Secret d’Etat
Après le pasteur Fernando Kuthino et son mouvement « Sauvons le Congo » et l’avocat-pasteur Théodore Ngoy wa Nsenga, Marie-Thérèse Nlandu vient allonger la liste des Congolais confrontés à la violence d’Etat pour avoir dit haut et fort la vérité sur l’actuel numéro un du pays. A Lubumbashi, le défenseur des droits humains Golden Misabiko vit en clandestinité pour avoir écrit dans une lettre ouverte que Joseph Kabila porte une fausse identité. Les membres de la famille biologique de Laurent-Désiré Kabila n’échappent pas à cette règle. C’est le cas notamment d’Etienne Kabila, exilé en Afrique du Sud, et du candidat député provincial John Kabila Taratibu. Participant, mardi 20 juin dernier, à l’émission «Tosolola» de la Radio Lisanga-Télévision à Kin, « John » avait publiquement contesté l’appartenance de « Joseph » à la famille biologique de feu LD Kabila. Son habitation fut attaquée par des hommes non autrement identifiés. L’homme ne dû son salut qu’à une fuite éperdue. En un mot, la vie passé du successeur de Mzee est élevée au rang de secret d’Etat le mieux gardé du pays. Le « président démocratiquement élu » avait promis, dans une interview accordée au quotidien « Le Soir » daté du 17 novembre, de régler quelques vieux comptes avec ceux qui l’avaient chahuté durant la campagne électorale. « Le plus difficile pour moi, ce fut la souffrance de ma famille (…). J’ai vu la souffrance de ma mère, de mes sœurs, de mes frères. Moi, je pouvais supporter les critiques. Mais les calomnies, les mensonges, les contrevérités, c’était plus difficile », déclarait-il. Lors de la conférence-débat organisée, samedi 9 décembre à Bruxelles, par le Cercle des étudiants congolais de l’ULB, Fidèle Babala, directeur de cabinet du vice-président Jean-Pierre Bemba, a été abondamment questionné sur l’arrestation de Marie-Thérèse Nlandu. Certains intervenants n’ont pas manqué de vitupérer, à tort ou à raison, la « mollesse » que semble afficher le cartel « Union pour la Nation » - préférant jouer la carte de la légalité - face à ce dossier touchant aux droits et libertés bafoués d’un de ses membres. « Nous nous occupons du cas de Marie-Thérèse Nlandu, a dit Babala. Nous en ferons au moment opportun un casus belli ». En attendant, disent des analystes, « Me Nlandu peut être considérée comme la « prisonnière personnelle » de Joseph Kabila ».