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LOSAKO
23 novembre 2006

La guerre civile à l’horizon

051558

On s’est attaqué à l’institution qui incarne et symbolise la démocratie : la Justice. Un crime de lèse-majesté, dirait-on en politique. Donc, cette goutte d’eau qui fait déborder le vase et glisse le pays vers une situation inextricable. D’autres signaux sont également perceptibles : par trois fois des affrontements armés ont eu lieu à Kinshasa ; l’escalade verbale entre les forces politiques antagonistes ; la menace des généraux, le coup de gueule de Laurent Nkunda ; des incidents interethniques à Bolobo, manifestation bruyante à Kalemie. Le décor est planté pour une guerre civile. Le péril est en la demeure.

Les locaux de la Cour suprême de justice ont été incendiés par des inciviques, perturbant ainsi le bon déroulement de l’audience publique portant examen du contentieux électoral autour de l’élection présidentielle. Audience publique faisant suite au recours du candidat Jean-Pierre Bemba contestant les résultats provisoires publiés par la Commission électorale indépendante, CEI.

L’incident de mardi 21 novembre 2006 est grave. On s’est attaqué au symbole de la démocratie : la Justice. Un tel comportement est lourd de conséquences dès lors que l’on se trouve en face de « faux démocrates » capables du pire. Il est de plus en plus acquis que le « processus de démocratisation » est en train d’être piégé. Ce qui conduirait à une situation inextricable dès lors que le décor est en train d’être planté pour qu’éclate la guerre civile en République démocratique du Congo.

D’ailleurs, il y a des signes qui ne trompent pas. Par trois fois, des affrontements armés ont éclaté à Kinshasa, respectivement aux mois d’août et novembre. Des conséquences résultant du succès mitigé du processus d’intégration de l’Armée et de la Police. La réalité est effrayante avec cette cohabitation dangereuse entre forces rivales. Il suffit désormais d’une moindre étincelle pour que tout explose avec ce qui est arrivé mardi 21 novembre.

Bien plus, ce qui est inquiète davantage, c’est l’escalade verbale. Les partisans de Bemba et de Kabila ne se font plus de cadeaux. Par médias interposés, ils poussent trop sur l’accélérateur pour frustrer davantage l’adversaire politique. Les déclarations incendiaires et provocatrices se multiplient au jour le jour. Pendant ce temps, à l’Est du pays, le général déchu Laurent Nkunda menace alors qu’ on enregistre des affrontements interethniques à Bolobo en même temps qu’il y a des manifestations bruyantes à Kalemie et à Manono. Malheur donc aux vaincus. Trop de coïncidences qui intriguent.

ET SI MONSENGWO ET DESMOND TUTU AVAIENT RAISON

« La Cenco lance un appel au calme pour qu’il n’y ait pas de guerre civile ». Cette déclaration est de Mgr Monsengwo, président de la Conférence épiscopale nationale du Congo, Cenco, juste avant le premier tour de l’élection présidentielle, le 30 juillet.

De son côté, Desmond Tutu, Prix Nobel de la Paix, déclarait « qu’il faut être fou pour croire qu’il n’y aura pas de la violence en RDC ». Déclaration qui voulait tout simplement inviter toutes les parties à ne pas lâcher la pression et à s’assumer pleinement pour consolider la paix.

Pour éviter le pire, le Ciat et la Monuc avaient eu le réflexe d’appeler les responsables congolais, principalement les deux candidats retenus pour le second tour de la présidentielle, à cantonner leurs troupes. Rien n’est fait dans ce sens jusqu’à ce jour. Sinon, il n’y aurait jamais eu des incidents de samedi 4 novembre et mardi 21 novembre. Aussi, l’on se trouve devant une réalité dangereuse : les forces armées régulières cohabitent avec les forces rivales. A trois reprises, Kinshasa a donné la preuve la plus irréfutable d’un embrasement imminent.

Les choses peuvent empirer avec la mise en exécution de cette « menace des généraux ». : les soldats des Fardc sont déjà déployées à Kinshasa. Le premier avertissement avait été donné par le général -ajor Denis Kalume, ministre de l’Intérieur. Il avait précisé que l’armée pourrait intervenir une fois que la situation déborderait. L’Amiral Liwanga vient d’enfoncer le clou en des termes tout autant précis à la suite des incidents qui ont eu lieu à la Cour suprême de justice: « J’attire l’attention de tous ceux qui jouent avec le feu en provoquant ce genre de situation que ces graves et nouveaux incidents doivent être les derniers à se produire dans la capitale. Car, dans notre mission de protéger les personnes et leurs biens, nous n’allons plus laisser la population être constamment prise en otage par quelques individus mal intentionnés. Nous invitions la Monuc et l’Eufor qui sont chargées de la même mission de protection de la population civile, à procéder sans tarder au désarmement de tous ces éléments qui utilisent leurs armes dans la ville contre la population innocente. En cas de récidive, ce n’est plus la Police nationale qui interviendra mais bien des unités des Forces armées de la République démocratique du Congo, Fardc, chargées de la défense de la ville de Kinshasa qui vont remettre de l’ordre ».

Pour les observateurs, cette menace des généraux découle de deux constats. Le premier, c’est que malgré les efforts de la police nationale, la stratégie de remettre de l’ordre ne s’avère pas du tout efficace, car entre la Pir et l’UPI, l’écart est grand. Le deuxième, c’est que certains policiers de la Pir, en l’occurrence, n’hésitent pas à détaler face aux gardes de Bemba une fois en tenue légère avec un bandeau rouge autour de la tête. La peur des « fétiches » les démoralise.

Mais en usant de la force pour faire intervenir l’armée, serait-ce la solution ? Qu’adviendrait-il si la garde rapprochée de Bemba résistait ? Les généraux ont lâché le mot : la rébellion, l’insurrection. La suite est bien connue : il faudra la mâter par tous les moyens. La guerre civile est vite arrivée.

Ce qui serait interprété comme un déclic pour qu’à l’Est, Laurent Nkunda qui n’attend que cette opportunité, entre dans la danse. La situation sera difficile à contrôler à partir de ce moment pour autant que les envahisseurs d’hier ne resteront pas les bras croisés : ce sera la remise en activité de la spirale de la violence dans la sous-région des Grands Lacs. Et de l’Afrique centrale aux effets communicants avec les combats en RCA et au Tchad.

MONUC ET EUFOR : UNE PRESENCE QUI SURPREND

Dans un communiqué rendu public au mois d’août, juste après les affrontements armés des 20, 21 et 22 août 2006, le Ciat affirmait clairement qu’il n’est plus question de prendre le pouvoir par les armes. « Aucun candidat ne peut, par les armes, tenter de nier la volonté populaire », soulignait le message du Ciat. Cette structure s’est empressée de demander aux deux candidats de cantonner leurs troupes, et Kinshasa devrait être «une ville sans armes », selon les engagements souscrits. Ce qui n’est toujours pas le cas.

Au mois de septembre 2006, au terme de son séjour en RDC, Javier Solana, Haut représentant de la Commission européenne chargé des relations extérieures, déclarait solennellement : « Plus d’effusion de sang en RDC ». Il a été démenti à deux reprises au mois de novembre : le sang a coulé à Kinshasa.

Toujours au mois de septembre, dans son point de presse hebdomadaire, le colonel Thierry Fusalba de l’ Eufor, affirmait que leur mission militaire « ne veut plus entendre le langage des armes à Kinshasa ». Il faisait allusion aux graves incidents du mois d’août. Malheureusement, le sang a encore coulé les 4 et 21 novembre 2006. Mais en aucun cas, ni Javier Solana ni José Barroso, président de la Commission européenne, n’ont demandé la requalification des mandats de l’Eufor et de la Monuc.

Certes, pour faire plaisir à l’Eufor et à la Monuc, on pourrait se permettre de dire que c’est grâce à leur intervention que le pire a été évité. Mais leur capacité d’intervention inquiète la population congolaise qui s’interroge désormais sur la finalité de leur présence en RDC. En effet, plusieurs fois à l’intérieur du pays, la Monuc n’a jamais vu « les soldats rwandais en uniforme » et Laurent Nkunda. Mais il y a eu la guerre de Kanyabayonga et la prise de Bukavu. Comment expliquer cette situation ?

A Kinshasa, par trois fois, l’on a fait usage des armes à feu. La Monuc et l’ Eufor n’interviennent qu’après coup, après avoir vidé les lieux. Repli stratégique ? Position délicate ? Si l’on peut comprendre que la Monuc et l’Eufor ne peuvent tirer sur les hommes Nkunda ni sur les gardes de Bemba, quelle est alors la nature de leur mission ( ?). Et pourtant, ils ont clairement dit que « quiconque se permettrait de perturber l’ordre les trouverait sur leur chemin ». Ils ne sont jamais là. Or, il s’agit des tests pour jauger de la capacité d’intervention de l’Eufor et la Monuc. Aujourd’hui, la population est de plus en plus convaincue qu’elle ne peut rien attendre d’elles dès lors que l’opération « Kinshasa, ville sans armes » a été un véritable échec.

Les risques d’une guerre civile demeurent toujours réelles, et c’est la population congolaise qui paierait le lourd tribut. Comme lors des guerres et batailles précédentes. Il est temps de songer déjà à une approche politique. Pour éviter le pire.

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