La commission  électorale « indépendante » (CEI) s’est tiré une balle dans le pied. En privilégiant la publication des résultats partiels des circonscriptions situées à l’Est – réputées acquises au président sortant, cette institution a, malgré elle, confirmée l’opinion selon laquelle elle fait  le jeu de certains pays  donateurs suspectés de « rouler» pour  le président en fonction.  L’Union pour la Nation paraît imperturbable : « JPB » est toujours en tête.   

Des Congolais ont organisé, lundi 6 novembre, dans l’après-midi, un sit-in improvisé devant l’entrée principale du siège de la Radio publique belge francophone (RTBF), située sur le boulevard Reyers. «Nous sommes allés manifester notre mécontentement à la suite des informations tendancieuses diffusées par la RTBF lundi au journal parlé de  8 heures », a déclaré Philippe Diese Nsalambwa. Les manifestants ont tenté en vain de rencontrer un responsable de la rédaction de ce média. « Nous sommes décidés à y revenir plus nombreux si la RTBF ne met pas fin au  traitement partial de l’information sur l’élection présidentielle au Congo-Kinshasa ». De quoi s’agit-il ? Samedi 4 novembre, le président de la Commission électorale indépendante, Apollinaire Malu Malu a annoncé le démarrage de la publication des « résultats partiels » du second tour du scrutin présidentiel du 29 octobre via son site Internet. A la décharge de la CEI, il a été bien précisé qu’il s’agit des bulletins compilés à partir de 12 circonscriptions (sur 189), portant sur 5,2% d’inscrits. Dans ses journaux parlés, lundi matin, la RTBF, elle, a grossi les chiffres en parlant de 70% de bulletins compilés. Résultat, selon la RTBF : Joseph Kabila (55%), Jean-Pierre Bemba (45%). On buvait du petit lait dans les rangs de l’AMP. Cette information a fait bondir plus d’un Congolais « acquis au changement ». Toute la journée de lundi, des milliers de « Sms » et « e-mails » sont échangés. Une phrase revenait sans cesse comme un cri de guerre : « Nous ne devons pas laisser les Occidentaux  voler notre vote». Dans l’après-midi de ce même lundi, c’est au tour de la radio publique belge néerlandophone (VRTN) de créer l’ « événement » en annonçant la « victoire » de Joseph Kabila dans un « flash spécial ». La nouvelle est donnée par le journaliste Guy Poppe. Selon celui-ci, « Joseph Kabila est élu président » avec « plus de 60%  de suffrages exprimés». Jean-Pierre Bemba « a obtenu moins de 40% ». Ces deux « nouvelles » diffusées par deux médias publics belges ont suscité un vrai malaise au sein de la communauté congolaise. « Où est passé le président de la Haute autorité des médias pendant que la RTBF, qui est diffusée au Congo, spécule sur les tendances de la présidentielle alors que la presse congolaise est astreinte au devoir de réserve ?», s’interroge un étudiant. Un opposant politique d’enchaîner : « Je me demande bien  où ces médias belges sont allés chercher tous ces chiffres fantaisistes alors qu’au cours du week-end dernier, seuls 6 à 7 millions de bulletins ont été compilés ». Dans les cercles restreints des sympathisants de l’Union pour la Nation, le cartel qui soutient Bemba, on croit trouver l’explication à cette « agitation » : « L’élection présidentielle en RD Congo est viciée par des ingérences étrangères ». « Certaines puissances occidentaux, appuyées par des sous-puissances africaines, paraissent décidées à imposer Joseph Kabila à la tête de l’Etat congolais. Ces puissances préfèrent un interlocuteur démuni de toute assise sociale. Un homme faible, près à se plier à leurs volontés », dit un analyste. Un autre d’ajouter : « La population congolaise, dans sa majorité, ne veut plus de Joseph Kabila. Apparemment l’Occident n’a pas reçu ce message cinq sur cinq ». Dans la soirée, on apprenait que la CEI a pu trouver un modus operandi avec les états-majors politiques des deux rivaux. A l’issue d’une réunion tripartite à laquelle ont participé François Muamba Tshishimbi, secrétaire général du MLC et Guillaume Samba Kaputo, député PPRD, la CEI s’impose le devoir de comparer, à l’avenir, ses chiffres avec ceux détenus par les deux candidats, avant toute publication. Dans le camp de l’Union pour la Nation, on semble afficher la sérénité. Au cours d’un point de presse animé lundi en sa qualité de coordonnateur de l’UN, Muamba a déclaré que le système de compilation mis en place par son organisation travaille sur base des « procès-verbaux » établis par les 50.045 bureaux de vote.  « Des procès verbaux signés non seulement par la CEI mais aussi par les témoins des deux candidats », devait-il souligner. Se fondant sur ces documents, l’ancien ministre du Budget a rendu public les tous derniers chiffres en sa possession, tirés de 7.530.830 bulletins compilés au lundi 6 novembre. Selon lui, les résultats se présenteraient comme suit : Jean-Pierre Bemba (55,42%), Joseph Kabila (44,72%). En chiffres, JP Bemba est crédité de 4.173.543 de voix, J Kabila : 3.357.287. Notons que lors de son point de presse, le numéro deux du MLC a donné des gages à la « communauté internationale » en ce qui concerne les contrats léonins signés au détriment de l’intérêt national. Ces conventions litigieuses seront réexaminées au mieux des intérêts de deux parties.